Chronique « ARRÊT DE JEU »
Scénario de MATZ,
Dessin de LEM
Genre : Polar
Public conseillé : Grands Ados / Adultes
Paru le 20 juin 2018 aux éditions Casterman
16,50 euros
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Ça commence comme ça…
Lucas Dilucca est footballeur professionnel. C’est même le capitaine d’une équipe de première division, le “Paris Capitale Football Club” . Célibataire, il va voir Tatiana quand il a besoin de s’amuser, une call girl qui n’intervient pas dans son monde, car Lucas se concentre sur sa carrière.
En sortant de l’entraînement, il récupère Léo, son fils âgé de 6 ans, qu’il élève seul. Le soir, il confie son enfant à Marc, un copain, qui joue le rôle de Baby Sitter. Puis, il se rend à la soirée d’un sponsor du club. Cette fois-ci, c’est une marque de voiture de luxe, que la marque offre à chacun des stars du club. Il sourit, vanne, balance et passe la soirée en compagnie de son amie d’enfance, Sega, footballeur pro lui aussi.
Tandis que Sega se choisit une copine pour la nuit, Lucas rentre gentiment chez lui. Une petite partie de foot sur console avec Marc et au lit, pour être en forme le lendemain…
Ce que j’en pense
Un nouveau “Matz”, ça ne se refuse pas. Le scénariste de la série “Le Tueur”, “Corps & âme” , “Balles perdues”, “du plomb dans la tête”… s’attaque à nouveau monde pour encrer son récit. Le monde du football pro, son fric, ses paillettes, ses délires et ses risques de dérapage, voici son nouveau terrain de jeu pour ce touche-à-tout.
Pour nous servir de guide, nous suivons Lucas Dilucca, un petit gars tout ce qu’il a de plus honnête. Certes, le jeune homme palpe des sommes astronomiques (il marge à 700.000 par mois , sans sans compter les sponsors !), mais c’est un petit-gars-qui-n-en veut et qui s’est donné les moyens de mettre de côté le plus de fric possible pendant les quelques années de sa carrière pro.
Oui, il profite du “star système”, mais c’est son seul “péché”. Pour le reste, c’est un homme qu’on peut juger assez ennuyeux… Père isolé, il s’entraîne avec rigueur tous les jours, et ne fait pas d’abus (pas d’alcool, ni de sexe débridé). Bon père, bon fils et bon joueur, Lucas est un joueur de la trempe d’un Zidane.
Dans son petit monde idéal, Lucas est approché par deux businessmen douteux, le genre de de mecs qui tordent le système dans leur propre intérêt. Pour que la pompe à fric géante soit amorcée, il leur suffit de taper sur le bon boulot. Et ce boulon, c’est justement le jeune capitaine du PCFC, avant la qualification pour la ligue des champions. Avant même qu’il ait refusé, Lucas est embarqué contre sa volonté dans une histoire de pognon. Et pour s’assurer de sa participation, les deux hommes ne reculent devant aucun coup de pression, avec la bénédiction du Directeur du Club. Mensonges, atteinte à sa réputation, menaces et coups tordus se succèdent pour faire plier Lucas.
Le foot, ce n’est pas mon truc, et la période actuelle (saturation maximale !) n’est pas faite pour m’aider à l’apprécier…. Pourtant, Quand Matz construit un polar dans ce monde doré, et bien, ça passe comme sur du velours. Le scénariste résume avec brio ses paradoxes. L’argent (en trop grande quantité), le marketing qui pourri tout, le Star system, il décrit avec réalisme et cynisme ces nouveaux jeux du cirque…
Contradictions sociétales et réalités économiques, j’adore la façon dont Matz décrit sa vision des choses. Par des dialogues parfaitement naturels et quelques voix off bien placées, il fait passer le message.
Seule ombre au tableau, une très-très longue exposition de l’univers et de la façon de vivre de Lucas, qui dure près de 45 pages avant de rentrer dans le conflit.
Le dessin de Lem, avec un trait minimaliste, accompagné par des couleurs numériques très désaturées, m’a étonnée. Cela me fait penser à un dessin “jeunesse”, tandis que le sujet et le traitement sont très “adultes”. Je ne dis pas que c’est mauvais, mais ce décalage me gêne. A contrario, la narration est impeccable. La composition classique (en 3 ou 4 strips) est fluide et permet à Matz de s’exprimer (avec beaucoup-beaucoup de détails), tout le contraire de ce dessin tout en épure.