La fille qui brûle · Claire Messud

Par Marie-Claude Rioux

J’ai découvert l’univers de Claire Messud avec Les enfants de l’empereur. Sans être un coup de cœur, j’avais suivi avec ardeur les tribulations de ce trio de trentenaires new-yorkais. Ça, c’était lorsque je pensais que la littérature américaine se limitait aux romans dont l’action se déroule à New York! Depuis, je m’emballe pour les autres États, surtout ceux qui n’ont pas de gratte-ciel!Alors, qu’en est-il de cette Fille qui brûle? L’intrigue se déroule dans une petite ville du Massachusetts, autour de Julia Robinson, fille unique d’un dentiste et d’une journaliste freelance, et de Cassie Burnes, fille unique d’un père disparu et d’une mère infirmière. Les deux filles tricotent leur amitié depuis la maternelle. Entre les baignades dans la piscine des voisins, le bénévolat à la SPA et les visites clandestines dans un hôpital psychiatrique abandonné, elles coulent des jours heureux et paisibles. Leur amitié fusionnelle commence à battre de l’aile lorsqu’elles entrent au lycée. Leur chemin se sépare sans qu’aucun événement spécial ne se produise. C’est la vie!

Notre éloignement navait rien dagressif ni de cruel, pas pour elle. On aurait plutôt dit que jétais une vieille paire de chaussures et quelle en avait deux paires neuves plus élégantes; elle ne mettait plus les anciennes, sans vouloir les jeter pour autant.
Lorsque Bev, la mère de Cassie, rencontre l’amour à son groupe d’études bibliques, en la personne du Dr Anders Shute, l’équilibre familial, déjà précaire, commence à vaciller. Faut dire que le Dr Anders Shute n’est pas un cadeau! Froid et contrôlant, il veut tout régenter dans la vie de sa belle-fille. Mais Bev en est follement amoureuse. (À moins qu’elle ne soit davantage amoureuse de son rôle social?) Julia en va même à soupçonner qu’il se passe quelque chose de pas net sous le toit des Burnes. Malheureuse et de plus en plus distante, Cassie se met en tête de retrouver son père, qu’elle croyait mort. Plus sa mère et son beau-père serrent la vis, plus Cassie désire voler de ses propres ailes. Classique!De son côté, Julia se fait de nouveaux amis, dont l’ex petit ami de Cassie, et s’implique dans la préparation d’un concours d’éloquence. Lorsque Cassie disparaît, Julia fera tout son possible pour la retrouver.


·  ·  ·         ·  ·  ·         ·  ·  ·Ce n’était pas l’idée du siècle de lire Une fille qui brûle tout de suite après Une histoire des loups d’Emily Fridlund. Ça n’a fait que renforcer mon idée que Joyce Carol Oates, Joyce Maynard et Laura Kasischke n’ont pas leur pareil pour dépeindre les affres de l’adolescence. Claire Messud fait pâle figure, en comparaison...

Premier irritant: les personnages. Ils n’ont, dans l’ensemble, pas grand intérêt. J’ai trouvé, par moment, que les réflexions de Julia étaient beaucoup trop perspicaces pour une fille de son âge. De plus, le fait que ce soit Julia qui raconte met le couvert sur les pensées de Cassie, de plus en plus refermées sur elle-même. Seul un côté de la médaille est présenté, ce qui, ici, constitue à mon avis un défaut.

Deuxième irritant: Claire Messud joue à fond la carte des lieux communs sur les différents milieux sociaux. Tu viens d’une «bonne»famille? Tu as toutes les chances de réussir. Tu viens d’une famille hors normes, bonjour les problèmes! Dentretenir de tels lieux communs, même sous le couvert de la fiction, me fait gricher des dentsTroisième irritant: les queues de poissons. Certaines pistes s’effacent d’elles-mêmes, sans aucun aboutissement. Un exemple: Cassie fait une fixation sur son père, qu’elle croit toujours vivant. Elle fait des recherches sur lui et prend des risques. Elle fait une fugue et cogne à la porte d’un homme qu’elle croit être son père. Malaise. Est-ce son père ou non? On ne saura jamais le fin fond de l’histoire.

Si le roman de Claire Messud était un roman classé pour ados, mon point de vue serait sans doute différent. Mais ce n’est pas le cas. (En comparaison, j’ai trouvé Treize raisons de Jay Asher plus original et beaucoup mieux ficelé!) J’espérais quelque chose de plus mordant. Tout est trop sage, dans ce roman. Même le style, quoique bien maîtrisé, s’est révélé sans surprise. J’ai l’impression d’avoir lu cette histoire des centaines de fois, celle-ci napportant rien de plus.Un roman d’apprentissage gentillet, sans plus. La fille qui brûle, Claire Messud, trad. France Camus-Pichon, Gallimard, 256 pages, 2018.

J’ai lu ce roman dans le cadre de mon challenge 50 États en 50 romans (État duMassachusetts).