Triple dose de Zidrou

Par Mathieu Van Overstraeten @matvano

Benoît Drousie, alias Zidrou, est partout. Cela fait plusieurs années maintenant que ce Bruxellois exilé en Espagne est devenu l’un des auteurs les plus prolifiques de la bande dessinée franco-belge. Scénariste aux multiples visages, il signe aussi bien des séries grand public (L’élève Ducobu, Tamara) que des classiques de la BD revisités (Chlorophylle, Léonard, Ric Hochet) ou des récits plus adultes et plus noirs (« Bouffon », « Natures mortes » ou « Emma G. Wildford » par exemple). Avec toujours comme fil rouge l’émotion et l’humain. Ces semaines-ci, Zidrou est une nouvelle fois omniprésent dans les vitrines des librairies, grâce à 3 albums on ne peut plus différents les uns des autres.

Les nouvelles enquêtes de Ric Hochet – Tome 3: Comment réussir un assassinat (Zidrou – Simon Van Liemt – Editions Le Lombard)

Comment faire du neuf avec du vieux? Dans leurs « nouvelles enquêtes » de Ric Hochet, Zidrou et Simon Van Liemt démontrent que c’est parfaitement possible. Tout en respectant scrupuleusement l’univers et les codes de la série créée par Tibet et Duchâteau, ils parviennent à donner un fameux coup de jeune au légendaire journaliste à la veste pattes d’oie, avant tout grâce à une bonne dose de second degré. Signe des temps: Zidrou donne un rôle plus important à Nadine, la nièce du commissaire Bourdon, dont la personnalité pétillante contribue clairement à la modernité de cette nouvelle version. Dans « Comment réussir un assassinat », on sent en tout cas que Zidrou et Van Liemt s’amusent comme des petits fous. Ils imaginent en effet qu’un sinistre individu a rédigé et fait imprimer un guide de poche qui constitue le parfait mode d’emploi pour tous ceux qui cherchent à se débarrasser de quelqu’un. Ce faux guide Marabout Flash est ensuite déposé par le criminel au milieu des livres de la même collection dans les rayons des supermarchés. Résultat des courses: une vague d’homicides sans précédent touche le pays, entraînant la mort d’au moins 77 personnes. Pour tenter d’éclaircir ce mystère, Ric Hochet et Nadine se rendent à Verviers, la ville belge où sont imprimés les guides Marabout Flash. Leur objectif: retrouver le faussaire qui se cache derrière cette farce mortelle, qui a tout du crime parfait. Une BD jouissive, truffée de références à Agatha Christie.

Les beaux étés – Tome 4: Le repos du guerrier (Zidrou – Jordi Lafebre – Editions Dargaud)

Comme dirait l’autre, il en faut peu pour être heureux. Le quatrième épisode de la joyeuse saga familiale « Les beaux étés » le démontre à merveille. Cette fois, on retrouve la famille Faldérault durant l’été 1980, l’année où Lio chantait « Le banana split » et Michel Berger « La groupie du pianiste ». Terminé le camping: Pierre, Madeleine et leurs quatre enfants se réjouissent de passer leurs vacances dans la villa qu’ils ont achetée en copropriété. Ils ont même déjà un nom pour ce petit paradis: « Le repos du guerrier ». Hélas, une fois arrivés à l’endroit où devrait se trouver la villa de leurs rêves, ils ne peuvent que constater que le promoteur les a roulés. Au lieu de construire une maison comme prévu dans le contrat, il s’est servi de leur argent pour mettre les voiles direction Tahiti… Une fameuse tuile! Heureusement, il faut plus qu’un simple contretemps pour entamer le moral des troupes. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, les Faldérault décident de rester sur place et de dormir à la belle étoile. Une fois de plus, les dessins colorés de Jordi Lafebre et les dialogues savoureux de Zidrou font mouche. On a beau connaître par coeur les ingrédients des « Beaux étés », la recette fonctionne toujours aussi bien. Voilà un excellent « feel good comic » pour retrouver la pêche avant de partir en vacances.

L’obsolescence programmée de nos sentiments (Zidrou – Aimée de Jongh – Editions Dargaud)

Est-ce que la vie peut redémarrer à 60 ans? C’est la question existentielle posée par Zidrou dans « L’obsolescence programmée de nos sentiments », un roman graphique sur deux sexagénaires solitaires que le hasard va réunir. Lui s’appelle Ulysse. Après avoir sillonné les routes de France pendant des dizaines d’années en tant que déménageur, il se retrouve sur le carreau suite à un plan de « dégraissage » de son entreprise. Du jour au lendemain, il est confronté à une sensation de vide terrible. Il faut dire qu’il est devenu veuf à seulement 45 ans et que son fils médecin est trop occupé pour avoir le temps de lui donner des petits-enfants… Elle s’appelle Méditerrannée. Comme Ulysse, elle se sent terriblement seule. Toujours célibataire à 62 ans, elle vient de perdre sa mère, après neuf mois d’une longue agonie. Lorsqu’un enfant lui cède sa place dans le bus, Méditerrannée se rend compte qu’elle est devenue vieille. Nue devant son miroir, elle se voit comme une sorcière. Heureusement, la rencontre avec Ulysse va ramener du soleil dans la vie de Méditerrannée. Avec de tels prénoms, ces deux-là étaient faits pour s’entendre! Magnifiquement mis en images par la dessinatrice néerlandaise Aimée de Jongh, « L’obsolescence programmée de nos sentiments » est un récit original avec des personnages forts, comme Zidrou sait si bien les écrire. Malheureusement, la voix off un peu trop mélo par moments et le final assez désarçonnant déforcent un peu le propos. Mais malgré tout, c’est un livre qui vaut la peine d’être lu, ne fût-ce que parce que le scénariste bruxellois ose une nouvelle fois y aborder un sujet tabou, à savoir la sexualité des personnes âgées.