Un Océan d’Amour, de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione

Par Deslivresetlesmots @delivrezlesmots

Un Océan d’Amour, de Wilfrid Lupano (scénario) et Grégory Panaccione (dessin et couleur), Éditions Delcourt, 2014, 224 pages

L’histoire

Chaque matin, Monsieur part pêcher au large des côtes bretonnes. Mais ce jour-là, c’est lui qui est pêché par un effrayant bateau-usine. Pendant ce temps, Madame attend. Sourde aux complaintes des bigoudènes, convaincue que son homme est en vie, elle part à sa recherche. C’est le début d’un périlleux chassé-croisé, sur un océan dans tous ses états. Une histoire muette avec moult mouettes.

Note : 4/5

Mon humble avis

Pour ceux qui suivent de près le blog, vous allez me dire « mais t’es pas végane ? Tu vas chercher des BDs qui parlent de pêche ? ». En fait, je suis depuis plusieurs mois le club de lecture « Comic Whales » qui propose, tous les mois, une bande dessinée à lire (choisie parmi une sélection grâce à un vote). Comme j’aime la BD mais que j’ai encore pleins de choses à découvrir dans ce médium, j’ai été rapidement séduite. J’attendais juste qu’il s’agisse d’une BD que je pouvais emprunter à la médiathèque.

Et le thème d’avril était particulièrement intéressant : la BD muette ! Comme on entend encore dire parfois que la BD ça se lit vite et que c’est pas un vrai livre, les créatrices du club de lecture ont décidé de montrer que même les BD où il n’y avait pas de texte à lire sont de réels ouvrages.

C’était donc ma première bande dessinée muette et cela oblige à faire l’effort de ne pas feuilleter les pages à la recherche de texte mais de bien s’attarder sur chaque case, d’absorber tous les éléments avant de passer à la suivante, pour reconstruire l’histoire et l’intrigue. Ainsi, il y a même des éléments meta où Monsieur essaie de se faire entendre, de crier à l’aide en vain, mais sans qu’il n’y ait de texte ou d’onomatopées, seulement par des gestes, des expressions et l’effet est saisissant quand justement, on ne peut même pas lire ses appels à l’aide.

Et puis, il y a tous les détails pour donner le contexte. La deuxième page présente Madame, à l’accoutrement reconnaissable en train de faire des galettes bretonnes : le contexte est posé, clairement, sans un mot.

Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais j’ai absolument adoré les dénonciations des travers de notre société faites à travers l’histoire : le petit pêcheur qui se retrouve mis en péril par un énorme bateau de pêche industrielle, les déchets qui se retrouvent en mer au point de créer un sixième continent, les animaux qui sont en danger à cause des déchets plastiques ou les bateaux qui vident leurs saloperies dans la mer, mettant en danger les animaux une fois encore.

Même si le personnage de Madame est un brin caricatural, pour qu’on la reconnaisse bien comme Bretonne femme de pêcheur, son parcours prouve qu’elle n’a rien d’une femme au foyer sans cervelle et sans courage. Au contraire, elle est prête à partir à l’aventure, à affronter le danger pour retrouver son mari. Et elle n’hésite pas, au passage, à éduquer les gens qu’elle rencontre, à les aider et ce, sans se laisser marcher sur les pieds.

Le tout avec un humour tordant, que ce soit à travers les expressions des personnages ou leurs actions (Madame qui va engueuler un chef cuisinier pour lui montrer comment on cuisine un homard) mais aussi des situations inattendues et hilarantes (une voyante qui donne ses prédictions en lisant une galette bretonne mâchouillée).

Bon, évidemment, j’ai des reproches à faire aux pratiques du personnage pêcheur, puisqu’il démontre une dissonance cognitive bien intégrée. Alors même que son métier impose de tuer des poissons, il s’efforce de sauver une mouette, comme si l’un méritait plus de vivre que l’autre…