La porte. Daisuke INOUE. D'après le roman de SÔSEKI – 2018 (Manga)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Editions Philippe Picquier, 1er février 2018 (Japon, 2010 sous le titre Mon)

Le roman de Sôseki, publié au tout début XXe siècle, est ici adapté en manga.

Il nous fait pénétrer, au gré des chapitres et par cercles concentriques, dans l'intimité du couple que forment Sôsuke et O-Yone.

Un couple discret, solide mais uni autour d'un secret, qui devient trop lourd à porter, surtout pour Sôsuke.

Après maints déménagements à-travers le pays, et qui s'apparentent à des fuites, les voilà installés à Tokyo, dans une maison au pied d'une falaise, et à l'ombre de trois bambous moso.

Mais voilà qu'un double changement trouble leur tranquille culpabilité, ou quiétude coupable...

Le jeune frère de Sôsuke, Koroku, étudiant, s'apprête à emménager chez eux et Sôsuke se revoit à son âge, au moment où sa vie a basculé. Il redoute que son frère suive son chemin/exemple, même inconsciemment.

Notamment parce que son héritage lui a été dérobé.

Mais surtout, une ombre du passé ressurgit et Sôsuke se demande quelle attitude adopter : l'affronter (l'issue n'en serait pas forcément malheureuse - mais comment savoir ??) ou fuir.

C'est finalement dans un temple zen qu'il va tenter de trouver des réponses et qu'il remonte le fil de sa vie (jeunesse, études, amitiés) comme celle de son couple.

Si les regrets rendent Sôsuke indécis et se dérobant face aux responsabilités et décisions à prendre, dépressif même, ils pèsent aussi sur O-Yone, se manifestant d'une manière physique.

Chacun des deux souffre. Du passé, du présent et de l'avenir.

J'ai beaucoup aimé ce manga qui place Sôsuke et O-Yone à un carrefour de leur vie, les intimant à faire des choix, à l'action.

Et ce dans un Japon qui s'ouvre, qui bouge, se transforme, qui s'occidentalise.

Et c'est bien là ce que se reproche Sôsuke : son inaptitude à aller de l'avant, à concevoir un futur.

Fonctionnaire, il s'habille en costume avec cravate, mais en-dehors, il revêt, et son frère aussi, le costume traditionnel nippon (le jinbei ou jinbee)

Mais pourtant, les décisions les plus lourdes ne sont-elles pas celles que l'on ne prend pas ? Non pas parce qu'elles ne se sont pas présentées à nous, mais bien parce que nous y avons renoncé, avec conscience, par peur, défaitisme ?

Peu à peu, Sôsuke et O-Yone nous sont dévoilés mais la narration reste toujours très pudique, conservant sa part de mystère.

A nous de poser les (nos) mots sur les non-dits et secrets.

Ainsi, La Porte est un manga plein de métaphores. Et cette Porte du titre est autant physique que symbolique.

Et l'on sait combien les symboles sont importants au Japon - ne serait-ce que par ces trois bambous qui surplombent la maison de Sôsuke et O-Yone.

(détail de la couverture)

Son rythme est lent, un brin contemplatif.

Et son dessin s'y prête très bien.

Ses cases offrent peu de plans larges, et sont surtout resserrés, focalisant le regard sur des endroits du corps (pieds, visages, dos tourné, ombres ou silhouettes... ); la nature avec ses arbres, l'eau, la Lune, ses saisons... Ce qu'elle a d'immuable et de perpétue dans le changement...

La rapidité est reproduite dans les trains, grâce auxquels le couple a été d'un endroit à l'autre du Japon.

Bien qu'écrit il y a plus de cent ans, La Porte soulève des questionnements toujours très actuels !

Merci aux Editions Philippe Picquier

Ce manga participe au RDV " BD de la semaine " qui se passe aujourd'hui chez Noukette (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC) ainsi qu'à notre challenge avec Nathalie " Cette année, je (re)lis des classiques ".

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Belles lectures et découvertes,