Bonjour madame !

Par Deslivresetlesmots @delivrezlesmots

Bonjour madame !, de Delphine Rieu, Julie Gore et Nicolas Leroy, Eidola Éditions, 2015, 32 pages

L’histoire

Une extra-terrestre débarque sur notre planète pour découvrir ce qui différencie les filles des garçons. Mais il ne constate que des exemples contraires à ce qu’on luit dit. Jusqu’au jour où un lutteur mexicain lui explique…

Note : 4/5

Mon humble avis

Merci aux éditions Eidola et à Babelio pour l’envoi de ce livre en échange d’une chronique honnête.

Comme je m’intéresse aux questions de genre, je suis toujours curieuse (quoique remplie d’anticipation) de voir des livres qui abordent le sujet, particulièrement dans un objectif de vulgarisation comme c’est le cas pour cet album / bande dessinée jeunesse destiné aux plus  jeunes.

L’idée de départ est en plus très intéressante : un extra-terrestre tout à fait étranger aux concepts de genre, puisque tout le monde sur sa planète est une « personne » tout simplement, doit faire des recherches sur les différences entre filles et garçons sur Terre. Malheureusement, tous les éléments qu’on lui donnent sont réfutés par les personnes que cet extra-terrestre rencontre par la suite. Par exemple : on lui dit que les filles portent des robes, il salut donc d’un « Bonjour madame » un homme en djellaba. Ce dernier lui explique que c’est une tenue portée par les hommes. De nombreux exemples de la sorte s’ensuivent, toujours avec un brin d’humour et surtout, ce qui est appréciable, sans que les personnages soient outrés ou vexés que l’extra-terrestre ait mal interprété leur genre.

Le fil rouge de l’histoire est la présence d’un luchador, qui correspond du début à la fin à tous les préjugés que l’extra-terrestre peut entendre sur les femmes, et qui est donc salué à de nombreuses reprises par un « Bonjour madame » de la part de l’extra-terrestre. Sans lui en tenir rigueur, à la fin de l’histoire le luchador lui demande l’origine de sa méprise. Il explique alors à l’extra-terrestre ce qui permet de différencier les filles des garçons : l’aspect physique, biologique. Les filles ont une zézétte et en grandissant elles auront des poils et des nénés. Les garçons ont un zizi et en grandissant, auront des poils et une barbe.

Du coup, même si j’étais momentanément ravie qu’on parle des poils des filles, il reste que cette représentation du « genre » est affreusement binaire et qu’il s’agit en réalité d’une explication sur les « sexes », et encore. Aucune mention donc du fait que quelqu’un avec un zizi puisse être une fille (comment ça j’en attends trop ?) ou qu’un enfant puisse avoir un zizi et une zézétte.

À la fin de l’ouvrage on retrouve un petit dossier qui représente cette fois-ci des corps adultes et les différences entre une femme et un homme. Un point bonus pour la mention des règles et aussi sur le fait que les poils soient dessinés sur une femme (ce qui est assez peu courant pour être remarqué) : sur ses avant-bras, ses jambes et son pubis. Par contre, on retombe dans les dessins de pénis et testicules pour l’homme et par des… arabesques ? Sur le ventre de la femme pour représenter « ovaires, utérus, vagin, etc… [sic] dans le ventre ». Certes, on voit la vulve de face mais du coup… pourquoi ne pas mettre une petite flèche qui précise « vulve » ? À ce sujet, je renvoie à l’article fabuleux de Béatrice Kammerer « Pourquoi dessine-t-on si mal les sexes féminins quand il y a des pénis partout ? » sur Slate.

Pour terminer sur ce dossier, je suis effarée qu’après des pages de bande dessinées qui démontent les préjugés, on présente les femmes comme ayant des « hanches plus larges » (sur le dessin, elles font au moins quatre fois la taille des épaules) que les hommes, qui ont des « épaules plus larges » (même ratio, au moins c’est équitable). L’homme est également représenté avec des bras très développés, ce qui n’est pas le cas de la femme. Je trouve dommageable qu’on présente à des petits garçons ce genre « d’idéal » où ils doivent devenir musclés avec des grosses épaules, ce qui est une énième représentation de la masculinité toxique dont on n’a vraiment pas besoin. Et puis encore une fois, présenter l’une des caractéristiques principales des femmes comme étant des hanches larges pour pouvoir enfanter… je reste sceptique. Bref, tout compte fait, je ne suis pas certaine que ce dossier de cinq pages soit dans la même lignée que la bande dessinée qui le précède…

Cette histoire (j’exclue le dossier) déconstruit donc la plupart des stéréotypes de genre en expliquant qu’il s’agit d’une construction culturelle et sociale due à une époque et un lieu. Malheureusement elle reste dans une représentation binaire du genre et ne va pas, selon moi, assez loin dans la déconstruction.


Classé dans:Albums, Bande dessinée, Chroniques Tagged: 4/5, Babelio, Eidola Éditions, Genre