Quand ma pile à lire perd 100 livres

Par Marie-Claude Rioux

Une bibliothèque est comme le «lieu de mémoire» de notre existence. Elle nous chuchote d’anciennes joies, murmure nos lacunes et trahit des promesses de lecture. Édouard Philippe

Je suis attachée à mes livres. Ils sont des témoins de mon évolution. Leur présence me rappelle d’où je viens et par où je suis passée. Je ne serais pas la même si je n’avais pas lu L’invention de la solitude de Paul Auster et Le marin de Gibraltar de Marguerite Duras. Je ne serais pas aussi ouverte d’esprit si je n’avais pas lu Dandy de Richard Krawiec et Sacrifice de Joyce Carol Oates. Je ne serais pas aussi sensible au monde qui m’entoure si je n’avais pas lu Des hommes en devenir de Bruce Machart et Indian Creek de Pete Fromm.

Je n’ai aucune hésitation ni scrupules à me départir des livres qui ne m’ont rien apportée. Un grand ménage s’impose périodiquement. (Aurais-je envie de relire City on fire de Garth Risk Hallberg? Est-ce que je le prêterai? Non.) Trois ou quatre fois par année, je passe mes bibliothèques au peigne fin et mets de côté les livres qui partiront vers d’autres cieux.

Parmi les livres qui m’entourent, il y a aussi ceux qui m’indiquent vers où je vais. Ils constituent ma pile à lire. Ma pàl et moi sommes arrivées à un point de non retour. Mine de rien, elle a pris au fil des mois beaucoup (trop) de poids. Vient un moment où trop, c’est trop. Près de 300 livres à lire, c’est définitivement trop. Et avec toutes les tentations de la rentrée, la situation ne va pas s’arranger. Le temps d’aller piocher dans ma pàl s’en trouve forcément limité. 

Avant de tenir un blogue, ma pàl contenait tout juste une quarantaine de livres. Je faisais aussi un grand ménage ponctuel, en en retirant trois-quatre. Il y a trois ans, j'ai créé hop! sous la couette. Les tentations des copinautes et des bonnes fées sont arrivées, sans parler des sp et de mes passages à l’Échange. Je me suis complètement déchaînée lors du passage d'Electra au Québec, l'été dernier. J’étais revenue de nos virées en librairies avec 71 livres. Depuis, mon cas n’a cessé de s’aggraver.

La situation était donc plus que critique. L’état de saturation imminent. Un régime drastique s’imposait. Maintenant, comment s'y prendre pour sélectionner les livres à lire qui resteront? Des piles! J’ai fait des piles en classant les prochains livres que j’aimerais lire (dans un mois, un an ou cinq, le temps étant ici élastique). Les 100 derniers allaient passer à la trappe. Parmi ceux-ci, j’ai longuement hésité devant certains titres: ai-je réellement envie de lire Mère disparue de Joyce Carol Oates? Animaux solitaires de Bruce Holbert? Peut-être pas... La règle était claire: 100 livres. Alors, ciao Les naufragés de l'autocar, ciao De flammes et d'argile et Les cerfs-volants de Kaboul. Résultat? Une pàl allégée et une lectrice souriante qui se sent nettement moins étouffée. 

Une autre règle: lorsqu’un nouveau livre arrive dans ma pàl, un autre doit impérativement en sortir. Mes choix seront dorénavant plus consciencieux. Et dire que je ne me considère pas comme une acheteuse compulsive et que je n'achète jamais un livre sur un coup de tête. Une maudite chance! 

Ah! Les p'tites misères superficielles d'une lectrice boulimique...

Quel rapport entretenez-vous avec votre pàl? Vous arrive-t-il de perdre le contrôle? Arrivez-vous à lui imposer un régime sain? Dites-moi tout.