Chronique « Tokyo Ghost (T2) Enfer digital »
Scénario de Rick Remender, dessin de Sean Murphy et couleurs de Matt Hollingsworth,
Public conseillé : tout public (à partir de 16 ans),
Style : Science-Fiction, Aventure, Comics,
Paru aux éditions Urban Comics, le 21 avril 2017, 15 euros,
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L’Histoire
Nichés en plein coeur des Jardins Préservés de Tokyo, Led Dent et Debbie Decay n’ont pas pu échapper longtemps à l’enfer technologique instauré par Flak Corporation. Le pirate Davey Trauma a pris le contrôle de l’esprit et du corps de Dent, qu’il pousse désormais à tuer et à détruire tout ce qui peut se trouver sur ton passage. La ville de Tokyo a été la première à en payer le prix…
Qui pour l’arrêter ? Debbie Decay a perdu celui qu’elle aimait dans un embrasement de fin de monde sous le feu atomique. Celui qui a grandi avec elle sur les îles de Los-Angeles et qu’elle a juré de protéger de son épouvantable addiction aux paradis artificiels semble définitivement avoir basculé dans une démence qui l’entraîne vers toujours plus de violences… si loin du monde réel. Elle semble épuisée par ce si grand échec et ne plus avoir la volonté d’aller sauver son amour de toujours.
Ce que j’en pense
Dans ce second et dernier volet de “Tokyo Ghost”, Rick Remender renoue d’entrée de jeu avec la folie du duo Flack/Trauma. Le premier est fou d’argent, d’audimat et de pouvoir, pervers narcissique prêt à tout pour aliéner et exploiter autrui. Le second est un narcissique à tendance psychotique, pire écho de ce que peut engendrer la dépendance technologique sur l’humain. Il voit le monde comme un jeu vidéo à taille réelle dont il veut contrôler tous les personnages. Dent est devenu sa marionnette, qu’il oblige à tuer, à massacre, à se gorger de sang en même temps que de parasites irréels dont il noie son cerveau. Les premiers épisodes sont de vraies scènes de folie destructrice, pornographique, jouées dans un univers de parc d’attraction en pleine folie où l’humain est soumis ou dépecé selon le bon vouloir de leurs maîtres fous. Remender pousse les curseurs à l’extrême, mettant l’obscène en tête d’affiche de ce monde en passe de se virtualiser totalement, après un nettoyage du monde qui passe par un suicide collectif. Suffisant pour faire monter au combat Debbie Decay, avec les dernières forces d’un monde presque anéanti dans les vestiges de Tokyo. Elle qui fût toujours la conscience de Dent, qui a axé toute sa vie sur la possibilité de le faire décrocher va devoir sauver le monde, et faire le deuil d’un rêve d’enfance a jamais détruit.
En forme de chronique désabusée, Remender pousse la dramaturgie de ces derniers épisodes en prenant fermement position contre un monde technologique qui déshumanise ses habitants, même si, en note finale, il laisse à penser que l’homme pourra toujours basculer vers son génie scientifique, bon ou mauvais.
Le récit est assez linéaire, en forme de lutte entre le bien et le mal, de sauvetage impossible d’un être noyé dans ses addictions et de recherche d’un amour né dans le souvenir d’un serment d’adolescents. Oui, ce lien avec la construction dans l’enfance est toujours un axe privilégié des récits du scénariste.
Sean Murphy et Matt Hollingsworth font preuve d’une inventivité débridée dans leur approche artistique une fois de plus très complémentaire. Le dessin virtuose étale toutes ses qualités de dynamisme, d’expressivité, soutenu par la formidable palette de couleurs qui habille ce monde en phase terminale.
Comme pour le premier tome, Urban Comics a tout d’abord publié le volume 2 de “Tokyo Ghost” dans une version à tirage limité, en noir et blanc, avec couverture alternative. Histoire d’apprécier la performance graphique de Sean Murphy, avec quelques petits ajouts en touches finales tout à fait appréciables.