Anna et son orchestre, de Joseph Joffo

Par Deuxpourune

Fin du XIXe, début du XXe siècle. Anna fuit la Russie et les pogroms avec sa famille. Dans le but de rejoindre l’Amérique, ils traversent l’Europe, en passant par Istanbul, Budapest, Vienne et Paris, où leur orchestre se produit en public.

J’ai lu il y a un petit bout de temps déjà Un sac de billes, sans doute le plus célèbre roman de Joseph Joffo. Je me souviens de l’histoire globale, des personnages, mais surtout de la sensation d’être à fond dans l’histoire. Je l’avais dévoré, et c’est pareil pour Anna et son orchestre.

Dès le début, je me suis beaucoup attachée au personnage d’Anna (la mère de Joseph Joffo). Elle n’a que onze ans au commencement du roman, et ne comprend donc pas la raison de toutes ces émeutes, de ce voyage qui se prépare. Si elle ne se rend pas forcément compte de l’ampleur des événements, elle prend conscience des choses simplement, avec des changements dans son quotidien : la mort de son chien, assassiné, par exemple. Je ne savais pas grand chose des pogroms avant ma lecture (définition wikipédia : attaque accompagnée de pillages et de meurtres perpétrée contre une communauté juive dans l’Empire Russe) et j’en ai donc appris un peu plus au contact d’Anna, tout doucement.

Une autre dimension qui m’a beaucoup  plu : la musique. Au fil de son voyage, on voit Anna évoluer, grandir ; sa musique aussi. On comprend l’importance de ces moments, ces pauses, pour elle et ses proches, la joie que ça leur apporte. Si au début ils ne jouent que pour leur plaisir, la musique leur donne aussi un moyen de vivre, un métier. Selon les villes qu’ils traversent, le format change un peu : orchestre, représentation dans des bars, des cinémas, des mariages.

Tout au long du roman, la musique est magnifiquement décrite, j’avais presque l’impression d’être là.

« C’est étrange, j’ai rejoué ce morceau bien des fois depuis ce jour, dans une chambre d’Istanbul, dans les brasseries de Budapest, à Vienne sur Prater, à Paris, je n’ai pas l’impression de l’avoir depuis si bien interprété que ce soir là, sur ce rafiot poussif perdu dans la mer noire au milieu des ballots, des émigrants affalés sur les ponts, sous le grand silence d’un ciel froid et pur.

Dès les premières notes, les formes autour de moi se sont estompés, tous les visages ont disparu, je suis seule, dans une longue robe, devant la lueur des projecteurs ; devant moi c’est le gouffre, la salle immense du grand théâtre impérial de Moscou est pleine à craquer (…) mon archet vole, mon bras s’agite, indépendant, mécanique parfaite, véloce et expressive à la fois ; les notes filent, s’incurvent, planent, s’enroulent autour de moi ; je suis au cœur de la musique, à la fois source et embouchure d’un fleuve sonore qui me submerge et que je fais naître (…) »

Je trouve cet extrais absolument magnifique…

Dans les lieux qu’ils traversent, ils font des connaissances (pas toujours heureuses malheureusement), mais à peine commencent-ils à réellement s’installer, qu’il faut repartir pour une nouvelle destination… et changer ses habitudes !

« J’ai su, une semaine à peine après mon arrivée ici, que je serais une fidèle cliente du café Sacher et que les beignets de Budapest étaient remplacés dans mon cœur par le café à la viennoise et surtout par le Kaiserschmarn, une des plus grandes inventions humaines : une omelette sucrée à la confiture et fourrée de raisins de Corinthe. »

En conclusion, j’ai vraiment beaucoup aimé Anna et son orchestre, au mois autant que Un sac de Billes ; l’histoire est très captivante, les personnages sont attachants et la musique est magnifique (je ne l’entendais pourtant pas, mais elle est tellement bien décrite, que j’avais réellement l’impression de l’entendre, de la ressentir, ce que je trouve incroyable) !

L’avez-vous lu ?

Mlle Jeanne