Tag 100% féministe

Par Lupiot

" 100% féministe " ? Le titre de cet article va vous intriguer, vous agacer, vous déstabiliser ou vous attirer - selon votre univers de référence - comme le fait toujours le mot " féministe ". Vous recommandé-je, dedans, exclusivement des romans féministes ? Non, pas du tout.

En écho à une longue discussion que l'article TAG 100% féministe de Tom (La Voix du Livre) avait amenée sur Facebook avec plusieurs amis intéressés par la question (blogueurs, écrivains, curieux) : ce ne sont pas nécessairement les livres évoqués qui sont féministes (ils peuvent l'être), c'est le " tag ", qui l'est.

C'est le fait-même de choisir de mettre en avant, valoriser, aimer et réfléchir sur les femmes dans la littérature qui en fait un article " 100% féministe ".

Et ce n'est pas un gros mot.

C'est parti, donc pour répondre à 10 questions

Oh, douleur ! Je refuse. Cet exercice est bien trop difficile : le choix, ici, serait forcément une trahison.

En revanche, comme je suis lâche, mais toujours curieuse, je vous invite à partager une réflexion sur un terme de la question : " auteure ". Oui, avec un -e.

Auteure, Autrice, Écrivaine ?
Quel serait le meilleur terme ?

" Auteure " a ma préférence, peut-être. Il coule mieux à nos oreilles habituées au masculin ; en revanche, il n'a pas tellement de sens en regard de la construction du français eur / rice (comme dans acteur / actrice). Et, son véritable inconvénient, c'est qu'à l'oral, le " -e ", on ne l'entend pas, et le féminin passe à la trappe.

" Autrice ", alors ? Audrey Alwett nous fait replonger dans les sombres secrets de la langue française pour nous apprendre que le féminin de nombreux métiers a existé par le passé, avant d'être rayé des dictionnaires et des usages. Parmi eux, " autrice ". Pourquoi ne pas le réhabiliter ?

Et " Écrivaine ", alors ? Personne n'aime ce mot. Peu de gens, déjà, assument le côté grandiose et ombrageux du terme " écrivain ", même au masculin.

Et pourquoi pas ? Ces noms (écrivain, écrivaine) sont mes chouchous absolus. Parce que la différence entre " auteur " et " écrivain ", c'est qu'on peut être l'auteur de n'importe quelle œuvre (d'un tableau comme d'un roman, par exemple), quand écrivain (ou peintre) sont des termes plus précis, qui renvoient à l'activité en elle-même. Ici, écrire.

Un peintre ne se présenterait jamais comme " auteur de toiles impressionniste ", il se dirait peintre ; " auteur ", c'est plutôt un titre que l'on attribue de l'extérieur quand on analyse une œuvre (Genre, Titre, Auteur, Éditeur...), comme sur une fiche de présentation. Mais l'activité, c'est écrivain.

Et puis, à l'inverse du ressenti immédiat qui met plus de poids dans le terme " écrivain ", je le trouve moins prétentieux : quand on est " auteur ", on est auteur d'une œuvre ; quand on est " écrivain ", on écrit, c'est tout - et peut-être même qu'on écrit sans but et sans réussir à composer son œuvre...

... de la même façon qu'un peintre peint, quand bien même il n'est exposé nulle part.

Quant à Écrivaine, au féminin, j'entends toujours dire que ce n'est pas beau, qu'on entend trop " vaine ". Quelle étrange réflexion. Dans " écrivain ", on n'entend pas " vain ", peut-être ? " Si, mais moins ", répond-on. (Lol) Ttt-ttt-ttt. On est plus habitué à entendre ce mot, c'est tout : un mot nouveau crée forcément de nouvelles connexions dans le cerveau, qui cherche à le raccrocher à ce qu'il a déjà entendu - ici, " vaine ". (C'est le principe-même des hallucinations auditives.)

Bien. Dans " écrivaine ", on entend " vaine " - mais aussi " veine ", comme celles qui transportent le sang du cerveau jusqu'au cœur, ces veines couleur encre. Et comme dans l'expression " avoir de la veine " vous savez, celle qu'on a d'exercer une si belle activité.

Mais comme je suis lâche, mon écrivaine préférée, je ne vous la donnerai pas - à la place, je vous donne plein de titres dans les réponses aux questions suivantes : mes chouchoutes se cachent là !

Je vais proposer, à chaque réponse, 2, voire 3 romans, dont un " jeunesse " et un " adulte ". (Même si, dans de nombreux cas crossover, les libraires sont bien en peine de savoir où ranger le livre.)

    3) Un roman qui propose un message féministe
Ces deux romans se déroulent sur de longues périodes, suivant la vie de leur protagoniste dans un monde qui ne semble pas prêt à les accepter pour ce qu'elles sont (spoiler : des femmes). Ces deux titres dépeignent des cadres culturels différents (Angleterre victorienne ; Nigeria et États-Unis actuels), tous caractérisés par des discriminations (sexisme, racisme) contre lesquelles les héroïnes doivent se battre avec leurs propres armes (spoiler : le cœur, l'intelligence, l'humanité, la pugnacité et... la PATIENCE) afin de faire valoir leur vision des choses, et - qui sait ? - afin de s'épanouir de bonheur comme de petites mottes de beurre au soleil. Ces deux romans célèbrent la beauté de réussir à rester soi-même dans l'adversité.
    4) Un roman avec une fille/femme sur la couverture
J'ai publié un article complet sur De cape et de mots, qui vous éclairera sur tout le bien que j'en pense, et pourquoi c'est si formidable de pouvoir s'identifier à cette héroïne en tant que jeune lectrice. J'ai déjà parlé de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, tout à la fin de cet article.
    5) Un roman qui met en scène un groupe de filles/femmes
J'ai déjà parlé des Petites reines peu de temps après sa sortie, un roman qui met en joie, avec des vrais morceaux de poilade dedans.

Les âmes fortes, de Giono, est un roman un peu dingue, qui propose de nombreux points de vue et un discours sur la vérité complexe et intrigant (la " vérité " varie selon qui raconte l'histoire). Pis c'est trop bien écrit.

{Parenthèse}

Comment c'est dur de trouver des romans avec un cast féminin, pitin ! C'est pourtant super facile de trouver des groupes de kids ou d'adultes exclusivement masculins (ou avec une femme, qui est là pour se faire aimer du héros, généralement), et ce dans tous les types de littérature... Non, je n'irai pas plus loin que " pfiou ", je ne suis pas alarmiste ni négative, je vois simplement tout le chemin à parcourir (gaiement !) pour que les hommes et femmes écrivains et écrivaines s'engagent dans des narrations sur des groupes de femmes - prises indépendamment du seul désir des hommes. Comme des hommes sont héros, antihéros, méchants, side-kick - indépendamment du désir des femmes. Ils vivent des aventures, quoi.
    6) Un roman qui met en scène un personnage féminin LGBT+
C'est au moment de faire cette recherche que j'ai constaté que l'on met plus souvent et plus facilement en scène des personnages gay masculins, dans la littérature, que des personnages lesbiens. (J'entre même pas dans la ruelle étroite des personnages queer autres que gay et lesbiens, qui sont quasi non-existants.) Il est possible que je sois à côté de la plaque. D'ailleurs, je ne propose pas d'analyse à ce constat, pour éviter de déblatérer des énormités avec ma grande bouche. Mais c'est pour cette raison que j'ai choisi Dysfonctionnelle, qui raconte (entre autres nombreuses péripéties dans la vie foldingo du personnage de Fifi) la naissance une histoire amoureuse entre deux adolescentes, avec toute la justesse des premiers regards fascinés, des tensions, des hésitations, et qui circonscrit ses ressorts tragiques aux caractères singuliers des personnages (défiance sociale, famille tradi...) plutôt que de nous dessiner un drame qui serait par essence lié à l'homosexualité de ces filles. (Même si ça existe. Ici, les lesbiennes ont des histoires d'amour compliquées AUSSI parce que, simplement, l'amour, c'est compliqué. Vous me suivez ?) Quant à Lignes de failles, il s'agit d'une saga familiale sur 4 générations (ou 5 ? je ne sais plus exactement) qui remonte le temps, où l'on retrouve jeunes, à la fin, les personnages que l'on a vu vieux au début. Et, presque à l'arrière-plan, de façon très secondaire, il y a deux mémés qui s'aiment, et le seul fait que deux vieilles se tiennent la main suffit à les empêcher de voir leur petit-fils. C'est évoqué en passant et avec simplicité, et cette approche permet de saisir la violence ordinaire à laquelle l'on a affaire. Et aussi la beauté et la simplicité ordinaire de deux mémés qui s'aiment. Par ailleurs, je m'étais déjà fait la réflexion au moment de la lecture de Bouche cousue, de Marion Muller-Colard (que je vous recommande aussi), mais là, à fouiner dans ma bibliothèque et sur le net, ça m'a sauté aux yeux : on trouve de nombreuses histoires d'ados garçons dont les premiers émois homosexuels vont être narrés avec humour, légèreté et optimiste - malgré les difficultés parfois rencontrées - mais beauuuuucoup moins de romans mettant en scènes des adolescentEs homosexuelles sous le même jour : chez les lesbiennes, c'est souvent plus tragique, moins fun, l'accent est davantage mis sur le parcours du combattant que cela représente de pouvoir vivre ces amours. Je n'ai pas relu L'élégance du hérisson depuis mon coup de foudre pour ce roman quand j'avais 15 ans, aussi, je me mets une auto-alerte pour possibilité d'extrême décalage avec la personne que je suis aujourd'hui, et je vous le recommande presque à l'aveugle. Je l'avais aimé car il suivait deux personnages très intelligents ayant toutes les peines du monde à s'intégrer dans la société, ce dans quoi je me reconnaissais très bien, en petite ado drama-queen cachée sous ma couette.
Dans le roman, Paloma, gamine précoce de 12 ans, a même décrété que le monde était trop con pour être sauvé, qu'on était tous comme des poissons rouges dans un bocal, et a décidé, dès les premières pages, de quitter la vie telle une tragédienne après avoir accompli son œuvre artistique majeure (des haïkus et des petits bouts de pensée très pascaliens). Le second personnage, Renée, mémère anti-glam de 54 ans, concierge dans l'immeuble de Paloma, n'a jamais pu partager avec quiconque le bouillonnement intellectuel qui l'habite (elle qui s'est cultivée de façon autodidacte et lit environ 32 livres par semaine) et se découvre soudain encroûtée derrière quatre couches de solitude, sans trop savoir si ça la dérange ou pas.
C'est la rencontre de ces deux petits bouts de femmes, et l'arrivée d'un nouveau locataire dans l'immeuble, qui va permettre à ces cœurs en hibernation de se réveiller, et de s'ouvrir au monde merveilleux de l'amitié.
Je pense que la raison pour laquelle ce roman a particulièrement résonné en moi quand j'avais 15 ans, c'est que, en seconde au lycée, j'étais moi-même une insupportable Miss Je-Sais-Tout sans amis encombrée d'une hyperémotivité gênante et très doué dans l'art déprécié de 1) suranalyser absolument tout de préférence à 3h du matin 2) ouvrir très grand ma gueule aux moments les moins opportuns 2) pleurer sur mon nombril. Dans mon souvenir, c'est aussi un roman drôle.
    7) Un roman qui propose plusieurs points de vue féminins
L'amour que je porte pour ces deux mondes imaginaires est sans borne.
    8) Un livre dans lequel une fille sauve le monde
    9) Un personnage secondaire féminin que vous préférez au héros de son roman
Bien que dans les deux cas il soit très discutable de les considérer comme des personnages secondaires. (En fait, c'est Merteuil, l'héroïne. Je veux dire, clairement. Non ?)

Hélène dans Une sœur, de Bastien Vivès, et la Marquise de Merteuil dans Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.

À l'opposé des questions 5 et 7 qui m'ont donné du fil à retordre (c'est là qu'on réalise que des textes mettant UNE fille en avant, c'est fastoche d'en trouver, mais que ceux mettant PLUSIEURS filles en avant, c'est tout de suite plus difficile à dénicher)... des livres écrits par des hommes avec une héroïne féminine en revanche, il y en a pléthore ; la difficulté tient plutôt à choisir ses chouchous.
    10) Un livre écrit par un homme qui met en scène un protagoniste féminin

*

No pressure. J'ai personnellement mis plus de 3 mois à rebondir sur l'article de La Voix du Livre.

Le principe des TAG est de nommer d'autres personnes qui reprendront la thématique à leur tour. Cette thématique m'intéresse beaucoup, et elle est traitée ici de façon simplissime (avec des questions qui nous renvoient à nos goûts personnels), aussi j'aimerais beaucoup lire d'autres réponses que les miennes. Cependant, comme je me sens toujours un peu sous pression quand je suis taguée quelque part, je ne nomme personne et je vous invite, chers lecteurs intelligents et curieux adorés, à reprendre cette thématique si elle correspond à ce que vous avez envie d'écrire et de publier en ce moment.

Bonne lecture à tous,

Dans l'ensemble je trouve qu'il ressort de cette sélection un propos fort sur la place des femmes, du coup, je suis pas mécontente. Et je vous les recommande tous.

PS : si vous avez déjà répondu à ce tag, je veux bien un lien vers votre article !
PPS : récap de tous les lires cités, par ordre (approximatif) de difficulté croissante / de maturité nécessaire.