Intégrale composée de deux tomes, Récits du Vieux Royaumepropose Janua Vera, recueil de nouvelles, et de Gagner la guerre, un de ces plus grands livres (enfin je dis ça sans l’avoir encore lu, c’est malin). Et après réflexion, j’ai choisi de reporter mon avis sur une même fiche, en séparant bien les deux pour que vous discerniez les livres.
Le plus dur dans les recueils de nouvelles, c’est se décider sur la forme de la critique. Evoque-t-on les nouvelles une par une ou bien doit-on parler du recueil en général et laisser la surprise du contenu ? Dilemme, dilemme… Eh bien je vais faire un petit peu des deux ! Dans l’ensemble, je fus emballée par ces nouvelles. Les horizons sont divers et variés, on côtoie des personnages hétéroclites qui nous font découvrir des paysages et des milieux uniques. Certaines nouvelles nous marquent – le cas pour la plupart d’entre elles – quand d’autres nous déçoivent. A dire vrai, j’ai souvenir d’avoir dit (en accord avec la miss Julie) que les nouvelles allaient crescendo dans leur intérêt et surtout leur beauté. Une seule m’a profondément déçue, Comment Blandin fut perdu (nouvelle parue seule en format poche). Je n’ai pas compris le but, je n’ai pas ressenti d’émotion, bref je fus totalement passée à côté de celle-là, ce qui est bien dommage puisqu’elle clôt quasiment le recueil (et que c’est la deuxième sur le classement de la longueur (j’ai pas osé parler de taille !)).
Ma préférence va pour la nouvelle sur Benvenuto, Mauvaise donne, et miss Julie et moi-même sommes pressées de retrouver ce personnage haut en couleur, avec un tempérament téméraire, un brin casse-cou, et une petite dose d’humour qui ne fait jamais de mal par où ça passe ! Cette nouvelle a permis d’appréhender l’univers principal, les différents protagonistes et les quelques puissantes institutions. Je dois dire que j’ai hâte de retrouver la fameuse Guilde évoquée, avec les traditions. Et puis cette petite action bien sympathique sonne comme une mise en bouche savoureuse ! Si je dois trouver le temps de caser Gagner la guerre, ca n’empêche pas de baver d’avance !
Je fus également touchée par Le Conte de Suzelle (et de mémoire, il en va de même pour Julie). D’une rare beauté, je suis ébahie par cette capacité à épiloguer sur des banalités pendant des pages et des pages, échouant sur une claque magistrale.C’est… bon, je suis une grande émotive/empathique, pourtant il m’en faut beaucoup pour qu’un livre me soustrait des larmes. Ben là, ça n’est pas passé loin. Derrière cette nouvelle se cache une cruauté singulière, une perception du temps qui impacte différemment selon chacun. Et pourtant… pourtant, Suzelle aura eu la chance incroyable de vivre pour obtenir la certitude qu’elle ne fut pas oubliée… C’est difficile de parler sans spoiler. Mais croyez-le ou non, cette nouvelle est peut-être la plus magistrale de toute.
Mon troisième coup de cœur sera pour Cecht et sa nouvelle, Une offrande très précieuse. Là encore, de la finesse et de l’onirisme. Tout semble vrai et pourtant… On se demande ce qui appartient au rêvé, au réel, si le personnage survivra ou s’il rendra l’âme sans avoir trouvé l’offrande. Et celle-ci se révèle tout simplement sublime. Elle rappelle l’importance de l’écoute et du partage, voire même de la confession (et je n’évoque pas la religion dans ce terme). La fin fut une douche froide et un cœur qui s’arrête, le souffle coupé. Nouvelle marquante, sublime.
Ma dernière pensée va pour la dernière nouvelle, Le confident. Alors là, nous ne sommes pas d’accord avec Julie. Ma petite Perle ( ♥ ) n’a pas perçu l’intérêt de la nouvelle quand je m’émerveillais des deux dernières phrases. Confident qui se confie en prenant le lecteur à témoin, sa place dans le recueil prend alors une toute autre tournure. Et si le lecteur devenait à son tour confident de choses qui se seraient réellement passées ? Les sourires se dessinent, et on se surprend à vouloir relire le recueil à nouveau, avec un tout autre regard… Je n’aurai souhaité aucune autre fin.
En bref, vous l’aurez compris, si ce recueil n’est pas un coup de cœur, il aura néanmoins permis de passer un excellent moment de lecture, rare et précieux. Plus je m’avance dans sa production et plus je confirme mon opinion sur cet auteur : il est taillé pour être parmi les plus grands.
16/20
Et en guise de Teaser, le résumé de Gagner la guerre !
Au bout de dix heures de combat, quand j’ai vu la flotte du Chah flamber d’un bout à l’autre de l’horizon, je me suis dit : « Benvenuto, mon fagot, t’as encore tiré tes os d’un rude merdier. » Sous le commandement de mon patron, le podestat Leonide Ducatore, les galères de la République de Ciudalia venaient d’écraser les escadres du Sublime Souverain de Ressine. La victoire était arrachée, et je croyais que le gros de la tourmente était passé. Je me gourais sévère. Gagner une guerre, c’est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d’orgueil et d’ambition, le coup de grâce infligé à l’ennemi n’est qu’un amuse-gueule. C’est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l’art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c’est au sein de la famille qu’on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c’est plutôt mon rayon…
Quand j'aurai terminé le pavé !