Le monde selon Walden, 8 millions de followers, de Luc Blanvillain (Scrinéo, 2016)

Par Lupiot

Nous avons tous connu, au cours de notre scolarité, un élève différent. Qui ne s'habillait pas comme les autres, ne parlait pas comme les autres, n'avait pas les mêmes centres d'intérêt... Quelqu'un comme Walden.

La vie de Walden au collège serait bien difficile s'il n'avait pas :

  • son meilleur ami, Clément ;
  • sa chère et tendre Zelda ;
  • une technique bien particulière pour repousser ceux qui viennent l'embêter : le chant lyrique.

Au cours de l'une de ces agressions quotidiennes un élève a la bonne idée de filmer Walden, alors habillé en kilt, tandis qu'il entonne l'Amour est enfant de bohème. La vidéo, aussitôt publiée sur YouTube, est un succès tel qu'un célèbre présentateur télé vient faire un reportage sur Walden. Le phénomène Walden est né. Alors que tous les élèves du pays cherchent soudain à lui ressembler, Walden, Clément et Zelda essayent de profiter de la situation pour

  1. sauver une famille de renards égarée en ville,
  2. aider les sans-abri, et
  3. tant qu'à faire, tenter d'instaurer la paix dans le monde.

Mais comme on l'imagine aisément, ils vont apprendre que la renommée est une amie bien peu fidèle... (Ne jamais manquer une occasion de citer Gilderoy Lockhart.)

Rédigé avec beaucoup d'humour, Le monde selon Walden est une très bonne surprise. Ses personnages principaux illustrent trois thèmes fondamentaux pour les jeunes d'aujourd'hui :

    #1. Walden, ou la question de la différence dans un monde où la mode totalement influencée par les réseaux sociaux va-et-vient comme la pluie un jour férié.

Héros ultra attachant, Walden est tellement différent des autres que cela pourrait être trop gros. Petite liste non exhaustive :

  • il fait ses habits lui-même (et préfère les mélanges des cultures du monde au typique jean-basket) ;
  • son animal préféré est l'axolotl ;
  • son sport de prédilection est le juksei (jeu traditionnel d'Afrique du Sud) ;

Etc., etc.

Présenté comme ça, avec l'âge que j'ai aujourd'hui, je me dis que Walden aurait pu être mon meilleur ami. Mais rappelez-vous : Walden est au collège, lieu bien connu des regards insipides sur qui-ne-rentre-pas-dans-le-moule, et je ne suis pas sûre que j'aurais assumé d'être son amie dans mes propres années terribles.

Mais justement, le point fort du roman est que Walden ne se pose pas une seule fois la question de savoir s'il devrait ou non faire comme tout le monde, il assume totalement son indépendance d'esprit. En cela, le roman est une véritable critique des mouvements de mode (tournés en ridicule) plutôt que du sujet de l'acceptation de différence (et ça change !).

Alors que Walden se refusait à être comme tout le monde, tout le monde cherche soudain à lui ressembler. Réussira-t-il à rester lui-même dans cette foule de clones ?

    #2. Zelda, ou l'espoir de résoudre les grandes injustices de la vie

Un autre thème du roman est le militantisme. Mais le militantisme pour quoi ? Zelda incarne parfaitement l'espoir de la jeunesse qui voudrait changer le monde : protection des animaux, écologie, aide aux sans-abri... Là aussi, le personnage de Zelda pourrait devenir cliché, mais il est décrit avec beaucoup de tendresse, à travers les yeux amoureux de Walden. Tout aussi indépendante que lui, cela fait plaisir de voir un e adolescent e qui assume pleinement ce qu' elle est et ce qu' elle veut.

Là aussi, le récit permet de se poser une question essentielle : on peut, évidemment, être sensible à plusieurs sujets, mais ne vaut-il pas mieux choisir son combat pour le mener à bien (plutôt que de s'insurger contre tout sans rien pouvoir faire de concret) ?

D'ailleurs, petit bonus à la fin du livre : un petit dossier " Et vous, quel héros êtes-vous ? ", qui donne des conseils concrets et actuels aux jeunes lecteurs pour devenir un " superhéros écolo ", un " superhéros de la paix " et un " héros de l'égalité ".

Pleine d'espoir donc, pleine de vie aussi, Zelda reste avant tout une jeune ado et elle accepte bien plus vite que Walen les conséquences de la notoriété et ce qu'elle peut lui apporter. Jusqu'à se trouver elle-même en danger...

    #3. Mike, ou les dérives de la célébrité

Mike, c'est l'incarnation de l'effet de mode. Apparaissant à point nommé, se servant de Walden et tournant la page dès que quelque chose de plus " intéressant " pointe le bout de son nez, il est la personnalisation du système des moyens de communication actuels, et surtout celui du " buzz ".

Lui aussi tourné en ridicule malgré l'amitié qu'il semble porter au trio d'amis, il permet au récit de montrer les travers de la célébrité sans pour autant nous donner une leçon de morale didactique.

Bien d'autres personnages incarnent également, à leur façon, d'autres pans de notre société hyperconnectée. Plutôt que d'en faire une critique pure, cet ensemble de personnages hauts en couleur fait vivre cette société... puis c'est au lecteur de se faire une idée !

En bref :
un roman fun et brillant qui met de bonne humeur !

Je l'ai déjà dit, le récit est plein d'humour. Raconté à la première personne avec verve, le ton du narrateur atypique n'est pas sans rappeler celui de Colin, protagoniste du Théorème des Katherine de John Green (un jeune mec hyper intelligent, un peu à côté de la plaque, et très conscient de son décalage).

Malgré les personnages un peu exagérés, l'ambiance du collège et la description de l'usage des réseaux sociaux sont authentiques et donnent leur force au récit. Sans être THE roman qui va révolutionner ma bibliothèque, je l'ai lu d'une traite (il est court) et avec beaucoup de plaisir. Le rythme est enlevé grâce à un certain suspens et, surtout, on y prend sa dose d'optimisme et d'humanisme.

Bonne lecture,

Le monde selon Walden, 8 millions de followers, de Luc Blanvillain, chez Scrineo, 160 pages, 2016
(À partir de 12 ans environ, top à lire au collège.)