Les Loteau plus un · Emma Donoghue

Par Marie-Claude Rioux

Il y a longtemps qu’un roman jeunesse ne m’a pas emballée à ce point. Original, rafraîchissant, et tellement plus encore.

Qui sont les Loteau? Une grande et belle famille qui, ayant gagnée au loto, a décidé de changer de nom et d’acheter une immense demeure de… trente-deux pièces, à Toronto. Dans cette famille, il y en a, du monde. D’abord quatre parents: un couple de lesbiennes (composé de Mamandine, une Jamaïcaine, et de Mamenthe, une Mohawk) et un couple gay (Papaye, un Yukonnais, et Papadum, un Indien originaire de Dehli). Ces deux couples sont les coparents de sept enfants: certains biologiques, d’autres adoptés. Sans oublier les cinq animaux de compagnie!L’harmonie règne au sein de la maisonnée. Les enfants sont scolarisés à la maison: ils font de la science citoyenne; l’une apprend le sumérien, une autre étudie les monarques. C’est Sumac, neuf ans, qui raconte. L’univers idyllique de la famille est mis à rude épreuve lorsque Ian, le père de Papaye, un vieil homme grincheux souffrant de démence, vient vivre pour une durée indéterminée chez les Loteau, après avoir accidentellement mis le feu à sa maison au Yukon. Toute la famille doit faire preuve de souplesse et de patience. Et… c’est tout un défi, car le bonhomme n’est pas un cadeau! Bourré de préjugés, fermé d’esprit et grincheux comme c'est pas possible. Parviendront-ils à s’apprivoiser? L’harmonie au sein de la famille Loteau reviendra-t-elle à nouveau?


Room, ça vous dit quelque chose? Ce roman extraordinairement éprouvant d'Emma Donoghue, dont on a tiré un film? Eh bien la Canadienne revient avec ce roman jeunesse qui a des airs de conte de fées. Alors là, quelle audace! De présenter une famille aussi éclectique avec des personnages aussi diversifiés s’avérait un exercice pour le moins périlleux. Emma Donoghue est parvenue à mélanger tout ce beau monde sans que cela sonne faux ou plaqué. De la néo-gothique à l’hyperactive contorsionniste, en passant par la gamine qui se définit comme un garçon. Un mélange éclaté de caractères, de cultures, de générations et d’orientations sexuelles.

Le style est vibrant et empreint de finesse, admirablement bien traduit par Hélène Rioux. Les illustrations de Caroline Hadilaksono, foisonnantes de détails, enrichissent l'ensemble. Les références littéraires, nombreuses, parleront aux grands plus qu’aux petits. Beau clin d'oeil à ces auteurs canadiens lus par les adultes (L'Indien malcommode de Thomas King, ou encore Dans le grand cercle du monde de Joseph Boyden).

Un seul petit bémol: la difficulté, au début, à s’y retrouver parmi tous ces personnages. Le portrait de famille, en début de roman, m’a été d’un inestimable secours.

Un excellent roman sur le vivre-ensemble, que tant les grands que les petits devraient lire. Une belle leçon d'ouverture d'esprit et de tolérance. Audacieux et addictif.

J'espère qu’un deuxième tome, et pourquoi pas un troisième, paraîtront.

Les Loteau plus un, Emma Donoghue (texte) et Caroline Hadilaksono (illustrations), trad. Hélène Rioux, Scholastic, 352 pages, 2017. À partir de 9 ans.