Soul Breakers. Christophe LAMBERT – 2017 (Dès 14 ans)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Soul Breakers

Christophe LAMBERT

Illustration de couverture de Raphaël GAUTHEY.

Editions Bayard, janvier 2017.

592 pages

Dès 14 ans

Thèmes : Etats-Unis, Années 30, aventure, fantastique, famille, le Mal, misère sociale, détournement de contes, quête initiatique.

Quelle couverture magnifique, non ?

Je ne me lasse pas de l'admirer et de chercher en elle tous les éléments cachés de l'intrigue, ou emblématiques de l'Amérique de cette période.

Etats-Unis, 1936.

La Grande Dépression a jeté sur les routes des milliers d'Américains qui se dirigent vers la Californie, cette terre d'espoir.

Parmi eux, les Gentliz, partis d'Oklahoma. Il y a le père, ancien fermier, le fils de 15 ans Théodore (prénommé ainsi en hommage à Roosevelt) et la fille, Amy, 6 ans. La mère est morte trois ans plus tôt.

Pauvres parmi les pauvres, ils sont installés depuis quelques semaines en Arizona dans un camp de fortune lorsqu'une troupe de forains s'y installent et proposent un spectacle de marionnettes : Le joueur de flûte d'Hamelin.

Amy veut le voir, et pour le lui permettre, Teddy accepte de rendre de menus services en échange de leurs billets d'entrée.

Ils ne peuvent le savoir encore, mais ils ont été choisis. Amy tout particulièrement...

-Je laisserai repartir les enfants d'Hamelin... si tu joues un petit air pour moi, jeune fille.
Il tendit alors quelque chose vers le public. Teddy s'attendait à ce qu'il s'agisse d'une flûte, mais c'était plutôt une espèce d'ocarina en terrer cuite.
-Je ne sais pas jouer de cet instrument, balbutia Amy.
-Pas besoin de savoir jouer, rétorqua le flûtiste. Il te suffit de souffler dedans. Avec tout ton cœur. Toute ton âme. Tu peux bien m'accorder ce plaisir, n'est-ce pas ?
-Je... je peux essayer.
Amy lança un nouveau coup d'œil à son frère, comme si elle demandait son autorisation. Teddy acquiesça, les lèvres serrées.
Amy se leva et marcha vers le castelet, toujours suivie par le faisceau lumineux. Elle paraissait hypnotisée, elle aussi, à l'image des enfants du conte. La scène avait quelque chose d'irréel.
Le silence était total : pas un toussotement, pas un reniflement...

Mais le lendemain, un mal étrange saisit la fillette : elle ne répond plus à rien, garde les yeux ouverts, ne peut s'alimenter seule...

Persuadé que les forains, partis dans la nuit, en sont responsables, et particulièrement leur chef, un homme tout de noir vêtu prénommé Sirius, Teddy s'élance, seul et quasi sans le sou, sur leurs traces pour sauver l'âme de sa sœur.

Parti d'Oklahoma, Teddy va en Arizona, au Nouveau-Mexique, à Denver puis Cheyenne, puis dans le Dakota du Nord, à Chicago, en Louisiane, à la Nouvelle-Orléans et enfin en Californie.

Doué de visions, mais qu'il ne maîtrise pas très bien, il va ainsi traverser en tous sens les différents états d'Amérique, exercer plusieurs métiers, se sortir de situations périlleuses et vivre des aventures humaines très fortes...

Il se lie d'amitié avec Duncan, " Duca le Rital " écrivain en devenir ; le Club (féminin) des Cœurs solitaires et notamment Mary Jane la muette ; Chef, l'Indien aux pouvoirs chamaniques ; le shérif texan Roscoe et sa fille Martha. Avec eux, il découvre qu'Amy n'est pas la seule enfant saisie par ce mal étrange.

Et que des pouvoirs existent...

Tout au long de leur chemin, les sbires de Sirius, contactés par la magie noire, tentent de stopper l'adolescent et ses nouveaux amis. Et pour cela, tous les moyens sont bons...

Pour une fois, il n'y avait ni bible ni sermon manuscrit posés devant lui. Il allait improviser. Enfin, pas tout à fait. Une voix rauque, la voix de l'homme en noir, serait là pour lui souffler les bons mots en cas de panne d'inspiration. Mais ce jour-là, John J. Ritter se sentait particulièrement en verve. Une flamme ardente l'animait.

Au gré des péripéties de Théodore à-travers le pays, les multiples facettes de l'Amérique d'alors nous sont décrites.

Difficultés économiques, dureté des corps de métier qui se mécanisent (mines de charbon du Nouveau-Mexique, abattoirs de Chicago...), grande ville contre ruralité, religion contre superstitions, rapports entre les hommes, mixité des populations et racisme, gangs et police, misères et exclusions sociales, traitement des maladies psychiatriques...

Nombreuses sont les descriptions, très réalistes, tant géographiques, de la réalité sociale que des personnages.

Ils ne sont pas épargnés par l'auteur qui nous dresse des portraits ambigus, et donc crédibles.

Teddy s'affirme, prend de l'assurance, se construit, se transforme.

C'était ça, devenir adulte ? Etre en permanence devant des carrefours où personne n'aurait songer à planter de panneaux indicateurs ? Cela ne donnait guère envie de vieillir.

Il nous parle de l'Humain, de ce qu'Il est capable de faire, pour le Bien comme pour le pire. Et de ce cycle perpétuel du Mal...

Quelles que fussent leurs origines, les hommes avaient tous les mêmes faiblesses sur lesquelles s'appuyer, les mêmes zones d'ombre.

Un brin fantastique, ce roman entremêle avec brio la magie, le surnaturel aux contes, et à l'Histoire avec un grand H. Celle des Etats-Unis d'abord dans laquelle est ancré le récit, mais aussi du monde, avec une menace imminente venant d'Europe.

L'écriture est fluide, attractive, très visuelle et enchaîne les points de vue de Teddy et de Sirius.

Passionnant, fascinant et haletant, je ne peux que vous en recommander la lecture!

Et Nathalie aussi je crois bien !