La peste écarlate de Jack London

Par Folfaerie

J’ai lu ce récit post-apocalyptique, publié en 1912, quelques semaines après avoir lu et vu (une lecture instrumentale fort réussie) Construire un feu du même auteur et qui m’avait laissé un goût amer.

La peste écarlate m’a fait songer à Ravages de Barjavel, entre autres. Mais aussi à un passage particulier de la cartographie des nuages, « La croisée d’Sloosha pis tout c’qu’ a suivi » et je me demande si Mitchell n’aurait pas pensé à la Peste écarlate… Le postulat de départ est en effet similaire : un événement global et tragique, ici une terrifiante maladie qui se propage à la vitesse de l’éclair, manque d’annihiler complètement l’humanité. Une poignée de survivants s’organise après le désastre, et tente de se réadapter dans un monde qui a changé, où la nature a repris ses droits. Et là, boum, le choc. Adieu civilisation, l’homme redevient une créature primitive qui aspire d’abord à satisfaire ses besoins naturels, manger, se reproduire. Tout comme dans Ravages, les femmes sont reléguées au rôle de reproductrice, et la nature frustre et sauvage des hommes a repris le dessus. Pour mieux saisir cet affreux retour en arrière, London a choisi comme narrateur un intellectuel, ex-universitaire, qui tente d’enseigner les rudiments de la civilisation à son clan, tout en constatant, impuissant, que l’homme est bien prompt à oublier la Connaissance et le Savoir, et préfère dominer et asservir; Eternel recommencement…. certes, beaucoup d’autres auteurs tiennent le même propos, à ceux cités plus haut, j’ajouterai encore Cormac MacCarthy et La route, mais rappelons-nous ce que récit a été écrit par Jack London, lequel ne nous a jamais habitué à ce type de romans. Et pourtant, si on examine son oeuvre, on peut déceler en filigrane le constat accablant et amer de l’écrivain sur ses semblables. Principalement dans des oeuvres apparemment bien éloignées de ce genre littéraire. De Michaël chien de cirque à L’appel de la forêt en passant par Construire un feu, les portraits d’hommes esquissés par London se révèlent être tous semblables. Vivre est un combat de tous les instants, contre soi-même mais surtout contre tout ce qui est jugé inférieur (animaux, peuplades lointaines) et la nature toujours étonnamment hostile et cruelle.

Dans le recueil publié aux éditions Phébus, la Peste écarlate est suivie de quelques nouvelles toutes plus déprimantes les unes que les autres; mention spéciale au Dieu rouge (écrit quelques mois avant sa mort) qui m’a causé un vrai malaise; Mille morts m’a fait songer à l’île du Dr Moreau et Qui croit encore aux fantômes n’est pas sans lien avec l’univers d’Edgar Poe. Ces récits révèlent en tout cas l’état d’esprit d’un écrivain qui, à la fin de sa vie, avait sans doute fini par accepter que l’homme est définitivement faible et faillible, toujours enclin à répéter les mêmes erreurs, sans cependant renoncer à l’espoir d’un changement. Un roman qui n’a pas pris une ride en tout cas, et c’est bien ce qui me trouble le plus….

Advertisements