Un western mécanique dans une Amérique fantasmée

Par Mathieu Van Overstraeten @matvano

Streamliner – Tome 1: Bye bye Lisa Dora (Fane – Editions Rue de Sèvres)

L’histoire se passe au début des années 60. La jeune Cristal O’Neil vit avec son père dans une station-service quasiment désaffectée sur la route 666, au beau milieu d’une zone aride et désertique, avec la poussière pour seul horizon. Le moins que l’on puisse dire est que les clients ne s’y bousculent pas pour faire le plein. Du coup, le père de Cristal passe le plus clair de son temps à se saouler au whisky dans la carlingue du Lisa Dora, le bombardier autour duquel il a bâti sa station-service, tandis que sa fille s’occupe de faire tourner la boutique. Derrière ses airs de poivrot, le vieux Evel O’Neil est pourtant un as de la mécanique. Pour certains, il est même une véritable légende vivante. Dans les années 50, à bord de la Black Widow, Evel était le roi des courses de « streamliners », ces bolides improbables qui filent à toute allure au milieu du désert lors de gigantesques courses clandestines… Cette époque paraît définitivement révolue depuis qu’un terrible accident a mis fin à sa carrière, sous les yeux horrifiés de sa fille. Et puis un jour, Cristal et Evel reçoivent la visite de Billy Joe, un beau gosse plutôt frimeur qui insiste pour passer quelques jours dans ce coin perdu du désert. Inspiré par la légende d’Evel O’Neil, Billy Joe se dit que l’endroit serait parfait pour organiser le grand run annuel de « streamliners », dont il est le tenant du titre et dont le vainqueur sera le chef de la bande des « Red Noses » pour un an. Mais ce qu’il ignore encore, c’est que lui et sa bande de durs à cuire sont loin d’être les seuls à vouloir en découdre dans le désert. Après Billy Joe et ses amis, Cristal et son père voient débarquer successivement le redoutable gang des « Black Panties », un tueur recherché par la police, des agents fédéraux, une chanteuse de rock qui se trouve aussi être une ex de Billy Joe et même une équipe de télévision. Un afflux qui est bon pour les affaires de la station-service, mais qui est synonyme aussi d’un sacré paquet d’emmerdes!

Avec « Streamliner », Fane s’est clairement fait plaisir! Comme il le reconnaît lui-même, l’auteur du « Joe Bar Team » a réalisé un rêve de petit garçon en signant cette histoire trépidante qui se déroule au milieu d’une Amérique fantasmée. Bien sûr, les courses de « Streamliners » ont vraiment existé mais dès le début, son objectif était de s’éloigner de la réalité pour raconter une sorte de Far West parallèle. « J’avais en tête ce décor d’une vieille station-service à l’ombre d’un bombardier », explique-t-il. « Cet endroit existe d’ailleurs vraiment, je l’ai retrouvé sur Internet. » Une fois ce décor planté, Fane a laissé libre cours à son imagination, en ajoutant progressivement de plus en plus de personnages. C’est ce qui donne au premier tome de « Streamliner », bâti en 8 chapitres, un côté débordant d’énergie, avec une lente montée en puissance vers le début de la terrible course sauvage. L’album a aussi un côté très cinématographique. « Mon histoire est un western mécanique, mais réalisé à la Tarantino », reconnaît Fane. « En gros, on peut dire que c’est l’histoire de Billy the Kid et Calamity Jane qui déboulent en bagnole. Cette course clandestine qui va opposer des garçons en voiture contre des filles à moto, c’est un peu comme les cow-boys contre les indiens. » On l’aura compris: « Streamliner » est un album décoiffant et rock ‘n roll, plein de carrosseries rutilantes et de personnages hauts en couleurs. Seul bémol: on ressent forcément une certaine frustration lorsque le coup d’envoi de la course est enfin donné au bout des 150 pages du premier tome. Car pour savoir qui va l’emporter, il faudra attendre le tome 2, dont la sortie est prévue pour le mois de septembre. « Je vous préviens: ça va être un carnage », sourit Fane.

Découvrez l’interview de Fane dans l’émission « Drugstore Digital » du 21 avril 2017:

https://www.rtbf.be/auvio/detail_drugstore?id=2205729