De sang-froid – Truman Capote

Par Cpmonstre

Y a déjà quelque temps que je vous parle de ce coup de coeur un peu partout depuis fin février sans que je n'ai pu trouver le temps de vous en faire un vrai billet. Honte à moi ! Je me flagelle en ce moment même avec une botte d'asperges.

Si c'est la grande classe de sortir dans le bus son Truman Capote, comme ça un macchiato dans une main, un classique qui claque dans l'autre et lunettes de soleil sur le nez, ça l'est d'autant plus quand c'est tellement passionnant qu'on en vient à rater son arrêt. True Story.

En 1959, dans un petit bled paumé du Texas, les quatre membres de la famille Clutter sont retrouvés mort chez eux, tués en pleine nuit. Personne n'a rien vu ni entendu et peu de traces sont retrouvées sur les lieux du crime. Quel peut-être le mobile ? Qui aurait voulu du mal aux Clutter, cette famille de fermier sans histoire et par dessus tout respectée ? Il n'y avait rien à voler, ni bijoux ni argent et rien n'indique que l'assassinat a été perpétré sous quelques revendications que se soit. Alors pourquoi ? Pendant ce temps, deux jeunes hommes, Perry Smith et Dick Hickock se lancent dans un road-trip, une fuite en avant folle mais vaine, pour atteindre la destinées de leurs rêves.

Truman Capote nous livre là l'un des plus passionnants roman-vérité, l'un des tous premiers du genre qui porte la Vérité avec le souffle romanesque d'une fiction. S'appuyant sur ses propres recherches, sur des témoignages et des comptes rendus d'enquêtes, puis enfin à travers les longues entrevues avec les assassins, De sang-froid est un bijou aussi bien d'investigation que de psychologie humaine.

Le roman commence par nous décrire les victimes, qui elles étaient, nous donnant dans le détail leur comportement et leur caractère jusqu'au soir où les lumières se sont éteintes dans la maison. Avec ce souci du détail, Truman Capote décortique et embaume ces personnes disparues comme un dernier hommage, une dernière trace de leur passage sur cette terre. Si le ton reste journalistique dans la description de leur dernière journée, on ne peut cependant s'empêcher d'être émue ou en tant cas touchée par le fait que bah tout simplement ce qui s'est passée c'est vrai, que la vie peut s'arrêter comme ça d'un coup.

Ici, point de course poursuite endiablée ni de suspens insoutenable, puisque les auteurs du crime sont rapidement identifiés par le lecteur. Car là où De sang-froid s'écarte de tout ce que j'ai pu lire c'est que l'on perçoit très vite le vif intérêt de Truman Capote pour la psychologie de ces deux hommes, paumés et marginaux, à travers le portrait dessiné en filigrane de Dick Hickock et surtout de Perry Smith. Nuancé, décortiqué, disséqué, il y a une certaine forme d'empathie qu'on est forcé d'éprouver ou en tant cas une émotion indéfinissable qu'il est assez bizarre d'avoir, faut le reconnaître, pour des gars de leur espèce. Si on avait besoin d'une ultime preuve du talent génial de Truman Capote, la voici. Parce qu'en nous faisant rentrer dans la tête de ces mecs, en nous faisant appréhender leur psychologie, leurs déboires et leur passé, Capote arrive à nous faire toucher du doigt cette forme de vérité, cruelle et nuancée, si difficile à retranscrire.

En faisant des recherches sur Capote, que je connaissais fort mal, je suis tombée sur un article des Inrocks qui raconte comment l'auteur de Breakfast at Tiffany's a été bouleversé par l'écriture de De sang-froid. À travers les nombreux entretiens et lettres échangées avec Dick Hickock mais surtout avec Perry Smith, Capote semble avoir ressenti un je-sais-quoi pour ces deux êtres " diaboliques " tant haïs par l'Amérique, jusqu'à assister à leur pendaison, qui selon certains témoins, aurait changé à jamais l'écrivain. À tel point que Truman Capote n'écrira plus de roman jusqu'aux dernières années de sa mort, vingt ans plus tard...