Marc Fernandez / Mala Vida

Par Ninie W. @ninie067

Quelques infos sur le livre :

Mala Vida

  • Auteur : Marc Fernandez
  • Serie :
  • Genres : Polar
  • Editeur : Le Livre de Poche
  • Collection : 
  • Publication: 8/03/2015
  • Edition: poche
  • Pages : 288
  • Prix : 7,10€
  • Rating:  

Résumé :

De nos jours en Espagne. La droite dure vient de remporter les élections après douze ans de pouvoir socialiste. Une majorité absolue pour les nostalgiques de Franco, dans un pays à la mémoire courte. Au milieu de ce renversement, une série de meurtre est perpétrée, de Madrid à Barcelone en passant par Valence. Les victimes : un homme politique, un notaire, un médecin, un banquier et une religieuse. Rien se semble apparemment relier ces crimes … Sur fond de crise économique, mais aussi de retour à un certain ordre moral, un journaliste radio spécialisé en affaires criminelles, Diego Martin, tente de garder la tête hors de l’eau malgré la purge médiatique. Lorsqu’il s’intéresse au premier meurtre, il ne se doute pas que son enquête va le mener bien plus loins qu’un simple fait divers, au plus près d’un scandale national qui perdure depuis des années, celui dit des « bébés volés » de la dictature franquiste.

Avis de TeaCup :

Je tiens à remercier les éditions Le livre Poche pour l’envoi de ce SP.

J’ai découvert Marc Fernandez grâce à la collection Préludes ou un roman dans le même univers que MALA VIDA vient de sortir. J’ai donc demandé ce tome qui est une sorte de prequel pour l’immerger au mieux dans l’histoire.

En commençant le roman, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Sur la couv il y a en effet cet extrait de chronique de magazine, plus qu’intrigant, « Si Orwell rencontrait Almodovar ». Et je ne sais pas vous, mais rien que ça, je me dis que ça va être spécial !

L’histoire est racontée grâce à plusieurs points de vue en alternance, celui d’une avocate, d’un journaliste, d’une détective et d’un juge. Ils vont nous immerger petit à petit dans cette histoire de bébés volés pendant la dictature franquiste en s’intéressant aux répercussions d’un scandale, la manière dont il peut-être étouffé au niveau politique, traité par la presse… L’histoire est assez complexe et se déroule finalement longtemps après les faits. C’est organisé un peu comme un film : on nous montre des scènes successives et le puzzle se forme petit à petit.

Il y a de nombreux éléments pour parler du mode de vie espagnole, pour évoquer les cicatrices profondes laissées par ce régime dictatorial pas si ancien dans les mémoires de nombres d’Espagnols. Les pour, les contre, ceux qui se sont fait tuer pour résister à un régime… C’est intéressant à suivre, je pense connaître très mal cette culture et ce pays, donc je me suis sentie vraiment immergée et j’ai apprécié de découvrir tout un pays et une culture dépeinte par l’auteur. On sent qu’il aime ce pays et en parle bien, sans éviter les zones d’ombres, les cicatrices, ce qu’on préfère souvent laisser de côté suite à de tels dérapages de l’histoire. Je suppose qu’il en a été de même en Allemagne suite à la Seconde Guerre mondiale, etc. Le temps de reconstruction est long et laborieux.

Les personnages font très « polar » pour moi qui n’est pas trop l’habitude. On suit leur parcours, leur motivation, on a une rapide historique de ce qu’ils ont vécu… Là où le bat blesse, à mon sens, c’est qu’il se dégage peu d’empathie de l’ensemble de cette grande fresque. Au hasard, la détective qui a un passif très lourd, avec laquelle on pourrait vraiment accrocher toutes les infos arrivent de manière si… « clinique », descriptive, que je n’ai pas vraiment sû le pourquoi du comment. L’auteur refuse sûrement le pathos, mais on est trop loin des personnages pour trembler pour eux. Je n’ai pas ressenti de colère, je n’ai pas été partagée suite aux actions de l’héroïne avocate et pourtant dieu sait que le nœud du roman est en grande partie situé autour de ce personnage à la motivation complexe, moteur de tout ce qui va se passer.

L’histoire, le principe de base et tout le déroulement sont logiques. Presque efficace, mais quelques fois les longues descriptions du passif de l’Espagne semblent longues comparées à des moments où s’enchaînent des actions capitales, qu’on nous décrit trop rapidement presque comme le ferait un journal. Je pense qu’il y a là un parti pris, pas un manque de maîtrise. Mais le choix de l’auteur pour le coup ne m’a pas convenu. J’avais envie d’être immergée dans l’histoire de la vivre, pas d’y assister.

Petit point qui m’a aussi déçu et laissé mitigé à la fin, je m’attendais à un bouleversement, une grosse surprise, ou une montée d’adrénaline et je n’ai rien eu de tout ça. Le livre comme une enquête continue son cheminement et arrive à sa conclusion sans grand fracas. C’est sûrement plus réaliste, mais aussi moins fort à lire/vivre du coup. Dommage. J’aurais aimé un petit twist final qui enlève le tout et je ne l’ai pas eu.

Un roman déroutant, intéressant et coup de poing. Ça va vite, ça aborde de nombreux thèmes et j’ai mieux compris la comparaison à Orwell et Almodovar. On a l’Espagne dans toute sa splendeur. Une culture, une âme particulière. On a une description de dictature qui ose aller très très loin, quoi de plus dérangeant qu’un trafic de bébés volés ? Mais avec tous ces éléments, je suis déçue d’être restée autant en marge de l’action.

Extrait :

Franco est mort, pas les franquistes. Les électeurs ont la mémoire courte et quarante-cinq ans de dictature n’ont pas suffi. Le peuple a choisi de donner le bâton pour se faire battre de nouveau. Même les anciens, ceux qui ont connu les années de privation, de faim, de soumission, ont voté massivement pour l’Alliance pour la majorité populaire, l’AMP. La mine défaite, le ministre de l’Intérieur socialiste confirme ce que tous les sondages prédisaient. Une victoire sans concession des amis de Franco. Diego n’est pas dupe. Sur le devant de la scène installée face au siège du parti de droite, les adhérents de l’AMP font la fête. Ils sont jeunes et propres sur eux, aucun n’est en âge d’avoir côtoyé de près ou de loin les gouvernements franquistes. Dans l’ombre pourtant, les vieux caciques de l’époque sont encore là. Ils tirent les ficelles en coulisses, font habilement croire à ceux qui sont sous les feux des projecteurs que ce sont eux qui décident.