Il y a ceux qui enchaînent les rencontres…, un texte de Myriam Ould-Hamouda

Par Chatquilouche @chatquilouche

Erika Marozsán, Gloomy Sunday

Il y a ceux qui enchaînent les rencontres, ils collectionnent des regards des sourires et des culs qui prennent la poussière au milieu des cartes postales des coquillages et des fioles de sable ; et puis il y a ceux qui crèvent de trouille juste en croisant leur propre ombre, le rebord de leur cheminée n’est pas encombré, mais dedans un feu brûle et les murs de leur maison tremblent souvent.
Nous nous trouvions bien nigauds à ne pas savoir nous regarder dans les yeux, mais en fuyant notre regard tombait toujours sur un spectacle plus terrible encore : celui d’hommes et de femmes qui n’avaient plus peur de se rencontrer. Comme ils avaient oublié à quel point une rencontre peut changer une vie ; comme ils ne lui en laissaient d’ailleurs plus ni la place ni le temps dans leurs plannings surchargés. Et les hommes serraient des paluches sans jamais avoir le cœur qui se serre, lui, à chaque fois que l’autre mimine détalait comme un lapin. Et les femmes tendaient à chaque fois l’autre joue, malgré la barbe qui pique malgré la bave qui coule ou la mâchoire qui craque. Et les hommes et les femmes entassaient des noms et des numéros dans leur large agenda au milieu d’autres noms, d’autres numéros dont ils avaient déjà oublié les sinuosités des visages, ils notaient avec soin des lieux des horaires, des rendez-vous sans que jamais leurs doigts ne tremblent ne serait-ce qu’un peu. Avec l’assurance de ceux qui ont refusé que demain soit un autre jour, avec la grisaille de leurs petits matins qui se suivent et se ressemblent toujours, avec leur jus d’orange frais leur café noir bien serré et leurs tartines qui ne tombent jamais, même du bon côté. Comme ils avaient oublié à quel point une rencontre peut changer une vie ; comme en fait ils ne voudraient surtout pas qu’elle la change, leur vie bien sympa qui leur convient comme elle est, avec ces deux bras doux qu’ils n’aiment plus vraiment, mais qui pressent le jus d’orange font couler le café et beurrent leurs tartines, avec ces deux bras mous qu’ils détestent souvent, mais qui les consolent parfois de toutes ces autres vies qu’ils auraient pu vivre, de la manière qu’a leur cœur d’avoir un jour cessé de battre.
Ce soir j’ai enchaîné mes peurs aux canalisations de la salle de bain, dans la baignoire l’eau coule à grands flots, elles se tortillent un peu et, moi, je crève de trouille ; comme depuis toi je sais à quel point ma vie peut changer, comme si te prend enfin l’envie de la renverser je ne me débattrai pas. Ce soir, le feu menace de tout dévorer et les murs de s’effondrer, mais je ne partirai pas sans toi.

Notice biographique

Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonoritJés, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

Advertisements