Le voyageur, un texte de Karine St-Gelais…

Par Chatquilouche @chatquilouche

La sueur de son crâne nu perle sur son tableau de bord.
– Est-ce que je me suis endormi ? se demande le voyageur.
Il regarde sa montre.
–Que l’Horloger de l’univers m’emporte !
Il confirme aussitôt sur son écran.
–Tout près de douze heures sont passées à mon insu ?
Pris de panique, il enlève le pilote automatique de son vaisseau de verre.
L’appareil transcende la lumière ; le véhicule devient alors presque imperceptible. Une sphère parfaite. Peut-être ont-ils simplement traversé une boucle temporelle ou été happés par un trou noir ? pense-t-il.
Une voix retentit dans l’habitacle.
–C’est possible !
–Noa !
–Oui, capitaine !
–Analyse de la dernière heure, s’il te plaît.
–Immédiatement, capitaine !
La dernière heure passe sous forme d’hologramme. Les iris du pilote rétrécissent et ses battements de cœur augmentent. Il regarde sa montre et se caresse de la nuque, inquiet.
–Mais que s’est-il donc passé ?
–Vous avez pris un passage dans la constellation d’Orion, comme une porte des étoiles, capitaine Rigel, crache le commandant Bok dans les oreilles du pilote.
–Il est l’heure de vos médicaments, capitaine, dit gentiment Noa.
À l’aide d’une seringue, il s’injecte un médicament dont on perçoit le parcours jaune phosphorescent à travers ses veines. C’est ce qui lui permet de voyager aussi longtemps, sans ressentir la soif ni la faim. En seulement deux cents ans, il est devenu le premier de sa formation, le meilleur, celui qui sait, celui qui voit, il est un noble héritier des Piliers de la création ! Comme un horloger, il est minutieux et scrute le moindre détail ! C’est indispensable pour traverser ces univers hostiles. Il est né dans le Pilier de l’est, dans la nébuleuse de l’aigle. Il n’y a ni jour ni nuit à Orion. Ils ne dorment jamais et vivent très longtemps. Chaque Pilier forge les (Öriens), ainsi que leur destinée respective. Cette mer d’étoiles les berce en permanence. Leur peau est pâle et brille sous les amas globulaires de leur atmosphère. Ils sont à plus de 7 000 années-lumière de nous, mais ils nous entendent. Ils reçoivent nos rêves, des plus glorieux aux plus pernicieux.


La brume cosmique qui les enveloppait se détache soudainement et Noa annonce leur destination. Mais ces données sont inconnues.
Spitzer s’éveille, le meilleur ami du voyageur de l’espace. Un chien maigre, mais avec un cœur aussi grand qu’un soleil. L’animal se trémousse de joie. Rigel pose le vaisseau sur un amas de glace, aussi délicatement qu’un spectre.
–Où sommes-nous, Noa ?
–Je ne sais point, capitaine. Ce lieu ne se trouve pas dans mes données spatiales.
–Mon intuition me dit que nous sommes pourtant au bon endroit. Nous avons dérivé sur un ruban laiteux, passé la constellation d’Orion, et cette planète est à 75 % teintée de bleue.
Il a soudain des visions d’hommes, de femmes et d’enfants, il sent cette civilisation mourir, il sent leur dernier soupir sur sa nuque.

Il frissonne. Son cœur s’emballe de nouveau, on le voit battre dans sa poitrine à travers sa peau de soie. Il regarde sa montre et ouvre finalement son habitacle de cristal. Son corps filiforme crée une ombre étrange sur la dune de marbre. Il n’a pas besoin de ses médicaments cette fois. L’oxygène froid gonfle ses poumons, il n’a pas respiré depuis un siècle. Ses pupilles se dilatent et sa peau rosit. Il se redresse, son troisième œil regarde en direction de la lune qui est pleine.
–C’est ainsi qu’il nommait leur satellite, la Lune. Et cette planète est la Terre, Noa ! On l’a trouvée !
–Comment le savez-vous, capitaine ?
– Je suis Rigel, celui qui voit, celui qui sait. Mais il est trop tard, chère Noa…
L’humanité a péri depuis des lustres.
Spitzer fait une moue évocatrice.
–Ne t’en fais pas, fidèle ami, lui chuchote son maître.
Les rêves que renvoient les étoiles du M16 (quartier général des Trois citadelles) représentent un lointain passé. Maintenant, ce monde sommeille sous une couche de glace, mon bon Spitzer.
Le voyageur envoie un échantillon de poussière au M16.
–Capitaine, quelque chose y dort toujours. Quelque chose vit sous ce fin glacier, dit le commandant.
– En effet, commandant, Bok. J’entends toujours leur détresse au fond de mon âme ! L’infini chante encore et toujours leur perte.

Sa montre renvoie un joli visage, comme un souvenir. C’est celui de Noa. On sent sa tristesse. Elle était sa compagne, autrefois ; maintenant, seule sa conscience survit. Elle interagit maintenant grâce à une mémoire artificielle à l’intérieur du précieux bijou. Noa veut dire : Celle Qui Croit, (en Orien). Il a besoin qu’elle croie en lui aujourd’hui, plus que jamais. Car pour redémarrer, ce monde aura besoin de toute l’énergie qui sera à leur disposition.
Il est temps pour lui d’accomplir sa mission et de donner une chance à la Terre. Il est prêt, telle était sa quête.
–L’œil de leur dieu est sur moi, en ce jour terrien. Noa avise la base et enclenche le processus du don de la vie.
L’horloger lève les yeux au ciel et déploie de gigantesques ailes blanches. Il se pare d’une armure de guerrier argent pour se protéger des tempêtes solaires qui viennent. Il est à son apogée et face à sa destinée. L’oracle le lui avait prédit. Il n’avait que 42 ans, mais tous savaient qu’il était voué à de grandes choses. Mais, est-ce que la Terre, ELLE, est fin prête pour LUI ?…
Karine

Notice biographique

Karine St-Gelais est une écrivante qui promet.  Nous aimons ses textes pleins de fraîcheur.  Laissons-la se présenter.  « Je suis née à Laterrière, dans la magnifique ville de Saguenay. Depuis près de huit ans une Arvidienne, j’aime insérer dans mes histoires des frasques de l’enfance et des coups d’œil sur ma région.  Je suis mariée depuis dix ans. J’ai trois beaux enfants, un  affectueux Bouvier Bernois et un frère cadet de 21 ans. Je suis née le 3 septembre 1978 sous le signe astrologique de la Vierge. J’adore l’automne et sa majestueuse toile colorée. J’aime la poésie, les superbes voix chaleureuses et les gens qui ne jugent pas à première vue. Née d’une mère incroyablement aimante et d’un père absent, je crois que la volonté et l’amour viennent à bout de tout.  Au plaisir de vous rencontrer sur mon

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(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)

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