Chronique « Harrow County (T2) Bis Repetita »
Scénario de Cullen Bunn, dessin et couleurs de Tyler Crook,
Public conseillé : Adultes / Adolescents,
Style : Horreur/ Sorcellerie / Quête initiatique,
Paru aux éditions Glénat Comics, le 2 novembre 2016, 14.95 euros,
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Une sœur jumelle au pays des spectres innombrables…
Spectres et horreurs pullulent à Harrow County, pourtant Emmy, qui vient d’apprendre qu’elle est l’une d’eux (voir T1, Spectres innombrables) ne s’en sent pas moins seule. Allongée près de son familier, la dépouille d’un enfant écorché, elle rêve pourtant encore d’une existence normale.
Autrefois, Hester Beck invoqua les esprits qui hantaient les tréfonds et les endroits oubliés, elle modèla la terre et mit au monde ceux qui devaient la servir. Elle devint la mère des spectres, jusqu’à son exécution, par certaines de ses propres créatures. Perdus, orphelins, ils appellent à eux Emmy qui prend à cœur son nouveau rôle. Au point d’essayer de se réconcilier avec l’Abandonné, une forme de Minotaure démentiel, gorgé de brume sombre et de rancœur et qui a le pouvoir de changer de forme. Juste effrayant !
D’ailleurs, par-delà sa nature généreuse, elle s’essaie à concilier humains et esprits, comme ce très beau démon-hurleur du début d’album, illustré par Tyler Crook. Elle essaie d’approcher, de communiquer, de soigner, de réparer et surtout d’apprendre. Elle aide et garde cette part d’humanité qui la différencie d’Hester Beck, mais elle se méfie et ne veut surtout pas finir comme elle ! Jusqu’à ce jour, fait de pluie et de vent, où une voiture de luxe vient se garer devant la ferme. A son bord, une jeune femme, copie conforme d’Emmy, une sœur jumelle tout droit arrivée de New-York. Pour Emmy, la fin d’une solitude… ou le début d’un cauchemar ?
Bis Repetita
Dans cet univers horrifique, superbement ouvert avec « Spectres innombrables« , Cullen Bunn rebat les cartes pour ce second épisode, offrant une main truquée à Emmy, sous la forme d’une sœur jumelle qui est tout l’opposée d’elle. Elle vient pour contrôler le pouvoir de sa mère-sorcière et, pour Emmy, la fin de partie ressemble épouvantablement à la fuite pour échapper à la mort vécue dans le T1. Une fois de plus, elle se retrouve en danger dans la forêt, dans une course mortelle ressemblant à un « Bis Repetita » effroyable. Mais c’est à une puissance néfaste bien plus dangereuse qu’elle est cette fois opposée, une puissance qui a su se concilier toutes les monstruosités qui habitent la forêt, les marais, la terre, bien au-delà de la mort.
Au pays des horreurs, à Harrow County, le desinateur Tyler Crook fait à nouveau un travail remarquable. Jeux d’ombres dévorant la lumière, pluies dégoulinant dans les affres de nuits de tempêtes, ambiances mortifères se jouant dans la boue des marigots et les recoins souffreteux de vieilles granges moisies, couses à bout de souffle dans la nuit forestière.
Il suffit de voir les monstres et les ambiances qu’il a imaginées pour comprendre pourquoi Mike Migola adore cette série. Rien à voir avec « Hellboy », pourtant Emmy vit bien un enfer, avec cette naissance maléfique qui l’accable et sa constante volonté de s’assurer une part d’humanité.
Le second tome, en forme de duel, opposant deux sœurs qui ont choisi chacune une façon contraire d’accepter leur naissance ensorcelée, est une nouvelle réussite. Dans un style d’horreur totalement assumé qui ne manque pas d’une certaine poésie, voire d’onirisme, « Harrow County » est un cauchemar délicieux. À lire au chaud sous la couette, et surtout pas dans une froide et sombre forêt à la nuit tombant…