Miss Charity, de Marie-Aude Murail (2008)

Par Lupiot
Article par Bloup

La vue de ce pavé, au milieu d'une étagère de livres jeunesse, peut rebuter. La couverture, blanche et simple, ne dévoile pas grand-chose du contenu : un grand sofa d'un autre siècle, une fille assise dessus, un lapin dans ses bras. Le nom de l'auteur, toutefois, pousse à ouvrir le mastodonte...

Miss Charity a trouvé sa première souris à l'âge de 5 ans. Dès lors, grâce à la complicité de sa bonne et de sa gouvernante, elle installe une véritable ménagerie au troisième étage de la propriété londonienne de la famille Tiddler. Passionnée de Shakespeare et de la nature, elle passera son enfance à apprendre par cœur les pièces de théâtre et à peindre des aquarelles de ses lapins, souris, hérissons et autres petits habitants de sa ménagerie, au grand dam de sa mère et de ses cousines. Pour la jeune fille, qui se transforme peu à peu en femme, ce mode de vie est bien plus qu'une lubie : c'est un parcours du combattant vers l'indépendance.

Peu pratique à lire dans le métro*, Miss Charity est cependant une très belle découverte, du Marie-Aude Murail 100 % génial !

Une fois de plus, l'auteure nous livre un récit tout en intelligence et justesse, drôle et réaliste.

    Une forme originale et entraînante

L'auteure parvient à mêler récit à la première personne et dialogues sous forme théâtrale (didascalies comprises). Ce mélange n'est pas anodin puisque le théâtre tient une grande place dans la vie de Charity. C'est d'abord surprenant, mais on s'habitue très vite à ce rythme entraînant qui ne donne pas du tout envie de fermer le livre.

Puisqu'on est dans la forme, les pages sont illustrées de très belles aquarelles de Philippe Dumas, représentant les peintures de Charity elles-mêmes. Et si elles vous rappellent quelque chose, sachez que Marie-Aude Murail s'est inspirée de la vie de Beatrix Potter pour cette histoire :

(À gauche les aquarelles du livre, à droite des illustrations de Beatrix Potter)

Les dessins et la forme semi-théâtrale apportent un autre atout au récit : l'authenticité. Ainsi les dialogues, simplement rapportés du point de vue de Charity (" Moi " ; " Tabitha ", " Maman " etc.), permettent une grande empathie. De plus, nous suivons la jeune fille sur une quinzaine d'années de sa vie, ce qui permet de bien apprendre à la connaître (voire de la considérer comme une amie), ainsi que ses proches.

Témoin de tous les travers de la vie, le récit de Charity, de surcroît, ne manque pas de suspense dramatique ! (Ni, puisqu'on est chez Murail, d'humour.)

Le vocabulaire employé sied parfaitement au décor victorien. Le récit est si bien documenté qu'on n'aurait aucune peine à croire qu'il date de ce temps-là (et il aurait parfaitement sa place dans la liste Si vous avez aimé... Jane Austen pour son contexte social et son héroïne en recherche de liberté).

Pour finir, je pourrais vous parler de tous mes personnages préférés, de la manière dont les mots glissent de pages en pages et des décors anglais et écossais qui font rêver, mais je préfère vous laisser découvrir par vous-mêmes. N'ayez VRAIMENT pas peur de la taille du livre (et de la quatrième de couverture comportant des coquilles, zglourps) car c'est une pépite.

Bonne lecture,

MAJ : Une version poche est sortie il y a quelques semaines (Novembre 2016) et nous l'ignorions ! Joie sur le pays : le format poche coûte 15€ au lieu de 25€ et surtout, contrairement à son grand-frère, ne pèse pas le poids de 2 ânes morts. Quelle bonne nouvelle❤