La loterie (One shot)

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « La loterie »

Scénario de Miles Hyman & Shirley Jackson, dessin de Miles Hyman,

Public conseillé : Adultes,

Style : Thriller,
Paru aux éditions Casterman, le 14 septembre 2016, 23 euros,
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Ce que j’en pense

Une loterie dans un village rural américain : Quoi de plus paisible, champêtre. Pourtant la nouvelle dont est tiré la BD éponyme va scandaliser les USA dans les années 60.

Miles Hyman, l’auteur de la BD « La loterie », est le petit-fils de Shirley Jackson, l’écrivain qui a écrit la nouvelle. C’est une famille d’intellectuels de très haut niveau, New Yorkais, qui fréquente les plus grands artistes de l’époque.

L’histoire est absolument incroyable. On ne peut rien en dire sans dénaturer son ressort. La plus grande partie de la BD présente un village paisible du Vermont, mais cela pourrait être n’importe quel hameau américain ou d’ailleurs. Le village organise une loterie et tout le monde participe. L’ambiance serait presque sereine si l’atmosphère n’y était pas lourde dès le début : 2 hommes se retrouvent sans un mot à la nuit tombée et prépare cette loterie.

Puis le jour de la loterie vient et le soleil avec elle. On prépare la fête. Mais le rythme extrêmement lent de l’histoire, les visages fermés, la stricte répartition des rôles de chacun, la lumière de printemps que l’on devine forte du fait des ombres marquées mais qu’on ne voit pas franchement, tout cela pèse. Même la toilette d’une femme, son bain, a quelque chose d’inquiétant. Le suspens est là, lourd, oppressant.

La banalité de l’endroit, tout en étant charmant, L’ennui (ou la simplicité) qu’on devine dans la vie des habitants, l’implication des enfants renforce l’effarement provoqué par la fin. Le mot chute conviendrait mieux.
Je ne peux hélas vous dévoiler le thème central de la BD, mais le fait que cette loterie se déroule dans chaque village, qu’elle soit acceptée par tous, qu’elle oppose les conservateurs et les progressistes, sans que ces derniers ne s’y opposent complètement renforce la violence du propos.

Les couleurs sont essentiellement des bruns foncés. Les ombres sont marquées ainsi que les plis des vêtements, des papiers. Les contrastes sont forts. Le dessin est superbe. C’est somptueux, avec de grandes cases alternées avec des panoramiques, des enchaînements de cases subtils : Du vrai cinéma. On entre dans la BD et on ne peut plus en sortir. Le rythme est lent comme si l’auteur voulait le ralentir, retarder la fin.

On pense à Grant wood et son couple de paysans, en apparence si calme, si tranquille, mais que la rigidité perceptible nous dérange.

L’auteur de la nouvelle, Shirley Jackson a reçu un courrier considérable, à l’époque, de gens profondément choqués qui ont pris cette nouvelle au premier degré ou même qui se sont sans doute sentis coupables que cette loterie ait pu exister aux USA, près de chez eux. Le réalisme lié est vertigineux et tellement bien rendu par Miles Hyman.
Une BD brillante que je classe parmi les meilleures !