TOP 7 des prénoms aux significations les plus pourries (et leur usage en littérature)

Par Lupiot

Cet article est une introduction fun aux prochains de la thématique des noms dans la littérature, qui traiteront de grandes questions comme :

  • Comment choisir les noms de ses personnages ?
  • C'est quoi un bon nom de méchant ?

En guise de mise en bouche, je vous propose une petite sélection maison de prénoms à la signification vraiment nulle.

Après avoir écrit ça il m'apparaît important de signaler que :

  1. cela ne signifie pas que ces prénoms sont nuls, juste qu'ils renvoient à quelque chose de pas hyper jouasse ;
  2. une signification négative ça peut être quelque chose d'intéressant à rechercher en fiction (gros clin d'œil en direction des bad guys dans le fond de la salle) ;
  3. si vous portez l'un de ces prénoms rassurez-vous, d'après mes calculs vous avez plus de chances d'être frappés par la foudre que de croiser quelqu'un en soirée qui vous en fera l'étymologie (sauf si bien sûr vous allez aux mêmes soirées que moi).

C'est parti pour le...

TOP 7 d es prénoms à la signification pourrie
(Et leur usage en littérature)

#7. CÉCILE, " aveugle "

L'étymologie : Cécile, Cécilia ou encore Cecil et Cécilien (formes masculines plus rares) viennent du latin " caecus ", qui signifie aveugle. En français moderne cette même racine a donné " cécité ".

Pour vous consoler : Cécile de France (actrice française), Cecilia Bartoli (cantatrice italienne) et plein de jolies chansons dont celles de Nougaro ( Cécile, ma fille) et Simon & Garfunkel ( Cecilia).

Dans la littérature : Cécile est un prénom parfait pour un personnage ingénu ou égaré, auquel on ne révèle pas tout du monde, voire, que l'on trompe - symbolique très classique autour d'un personnage " aveugle ", qui bibliquement pourra être aussi vu comme sage. On trouve un exemple typique dans Les Liaisons Dangereuses, avec le personnage de Cécile de Volanges, jeune fille pure ayant grandi au couvent dans l'innocence et l'ignorance, qui se fait salement séduire et manipuler par le vicomte de Valmont.

On retrouve la symbolique de l'aveuglement dans Cécile est morte, de George Simenon, où ***SPOILERS*** Cécile ignorait tout des affaires qui unissaient sa tante au voisin Dandurand car ***SPOILERS*** sa tante versait des somnifères dans sa tasse avant chaque visite. Plus aveugle que ça, tu meurs. (D'ailleurs elle meurt.)

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#6. CLAUDE, " boiteux "

L'étymologie : Claude (mixte), Claudia, Claudine, etc. viennent du latin " claudus " qui désigne quelqu'un de faible qui a une tare, et plus précisément un boiteux. En français moderne, cette même racine a donné " claudiquer ".

Pour vous consoler : Claude, Claudius et compagnie, c'est surtout un nom d'empereur.

Dans la littérature : Claude est un bon nom de personnage sombre, troublé, tiraillé (par une claudication symbolique, en quelque sorte), doublé d'une aura impressionnante que l'on doit à l'héritage impérial. Aussi trouvera-t-on l'abominable mais fascinant Claude Frollo dans Notre-Dame-de-Paris, de Victor Hugo, homme d'église puissant et terriblement intelligent, chez qui l'émergence de la passion des corps chahutera les fondations de la foi, et Claude Lantier dans L'Œuvre, d'Émile Zola, peintre obsessionnel, dur et taciturne, qui ***SPOILERS*** ne parviendra jamais à produire l'œuvre qu'il a en lui, déchiré entre l'idée d'en faire trop et celle de ne pas en faire assez (en gros).

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#5. BLAISE, " bègue "

L'étymologie : Avec Blaise on commence à taper dans du lourd puisque ce prénom issu du latin " blaesius " désigne quelqu'un qui bégaie. À noter cependant, les bègues, dans l'antiquité, étaient réputés communiquer avec les Dieu (et c'est pour ça qu'ils avaient du mal à s'exprimer).

Pour vous consoler : Blaise Cendrars (poète français), Blaise Pascal (philosophe français)

Dans la littérature : Ah, Blaise, c'est un bon nom de victime, ça, non ? Oui, absolument. Un nom de victime, et, aussi, de relai divin (cf. la symbolique antique).

J'ai deux exemples sous le coude qui marchent plutôt bien : Pauvre Blaise, de la Comtesse de Ségur, où le pauvre petit Blaise est un garçon angélique, sage et pieux, qui prend sur lui et tend la joue gauche quand Jules, son jeune maître démoniaque, lui fait porter le chapeau de toutes ses bêtises ; par ailleurs ce roman est marqué par l'idée que la foi chrétienne amène la bonté dans les cœurs (alerte, c'est sirupeux et prosélyte à souhait), ce dont Blaise est un exemple parfait.

Mon deuxième exemple est celui du père Blaise, scribe et confesseur de Merlin dans les légendes arthuriennes (ça c'est pour le côté relai divin) et qui a un look de hobo complet, négligé, mal rasé, rachitique et mal-aimable (ça c'est pour le côté victime).

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#4. LÉA, " fatiguée " ou " vache "

L'étymologie : Grosse surprise ! Un prénom hyper-populaire dans cette liste ! Hé non, Léa n'est pas le féminin de Léo qui signifie " lion ", rien à voir. Du tout. Léa vient de l'hébreu " le'ah " qui signifie fatiguée, épuisée, au bout de sa vie. Il peut aussi venir de l'akkadien et signifier " vache " ce qui serait logique en regard du fait que dans la Bible, sa sœur s'appelle Rachel, ce qui signifie " brebis ".

Pour vous consoler : Léa Seydoux ?

Dans la littérature : L'étymologie du prénom est trop riche, et sa présence dans la littérature classique trop pauvre, pour en tirer des lignes d'analyse vraiment pertinentes, mais on trouve l'exemple de la nouvelle Léa de Barbey-d'Aurévilly, où ladite Léa, aimée d'un amour impossible par le héros, est une jeune fille frêle, malade, et épuisée, ce qui du coup est très fidèle à l'étymologie.

Mais Léa pourrait également être un bon prénom de personnage " challenger ", délaissé au début mais vainqueur à la fin, ce qui reprendrait la symbolique biblique du nom : dans la Bible, Léa, 1ère femme de Jacob, est délaissée par celui-ci, dont la chouchoute est Rachel, mais au final c'est Léa qui lui donnera six fils et une fille. Dans TG, Rachel.

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#3. MÉLANIE, " mélasse, noire "

L'étymologie : Mélanie, Mélania ou encore Mélaine (variante mixte) viennent du grec " melaina " qui désigne la couleur noire, sombre de la mélasse. En français moderne cette même racine a donné mélanome. Voilà voilà.

Pour vous consoler : Mélanie Doutey, Mélanie Laurent, Mélanie Thierry

Dans la littérature : Comme pour Léa, je manque de références Mélaniesques en littérature, cependant, on a deux saintes Mélanie caractérisées par leur noblesse, le fait qu'elles perdent mari et enfants assez vite, et le fait qu'elles vendent tous leurs biens et affranchissent leurs esclaves - ce qui nous intéresse car on retrouve nombre de ces éléments dans Autant en Emporte le Vent, de Margaret Mitchell. Melanie Hamilton y est l'un des personnages principaux. Parangon de bonté, un peu jeune et naïve, celle-ci est une vraie dame aux yeux de son entourage, dont elle prend soin envers et contre tout. Sa foi en ses proches est inébranlable, ses idéaux sont nobles, et comme toutes les saintes, elle sera parfaite jusqu'à la fin, ce qu'il ne l'empêchera pas d'en chier sévère.

Cet exemple fait de Mélanie un bon nom d'épouse idéale pleine d'abnégation, MAIS ! Avec son étymologie sombre, Mélanie ou Mélania pourrait être un trèèès bon prénom de méchante. Et rien n'empêche de faire une fusion prometteuse entre les deux concepts.

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#2. LOLA, " douleur "

L'étymologie : Lola et Lolita sont les diminutifs de Dolorès, de l'espagnol " douleur, peine ". En français moderne, cette même racine a donné " douloureux ". (Et dans Harry Potter, ça a donné l'impardonnable sortilège de torture du Doloris). Tout un programme !

Pour vous consoler : Lola Doillon, Lola Montez, Lola Rykiel...

Dans la littérature : Dans la culture populaire (films, séries, chansons, romans...) Lola est devenu un prénom très emblématique du désir et donc des personnages féminins qui sont l'objets du désir. L'exemple le plus marquant, et auquel on doit en grande partie cette symbolique, est celui de Dolorès dite " Lola " et " Lolita ", une jeune et innocente allumeuse de... 12 ans, sensuel objet d'obsession pour le narrateur dans Lolita de Vladimir Nabokov.

Les Lola de fiction ont souvent des profils qui collent à cet imaginaire du désir : chanteuses, danseuses, femmes-enfants et jeunes ingénues...

Et... à la rencontre de la douleur et de la sensualité, ce n'est pas une surprise si Lola est devenu, dans les œuvres de fiction, un prénom souvent attribué aux prostituées. Je ne compte plus les feuilletons policiers où la pute à interroger s'appelait Lola.

À noter, la symbolique de " Dolorès " et de " Lola " est différente, culturellement : un personnage nommé Dolorès mais jamais surnommé Lola ou Lolita aura pour seule symbolique la douleur, et non le désir (cf. l'horrible Dolorès Ombrage dans Harry Potter).

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#1. PÉTRONILLE, " péquenaude "

L'étymologie : Pétronille, Pétronius, Pétronelle et Pétronilla, sont issus du latin " petro, petronis ", qui désigne un rustre, un péquenaud, un plouc, quelqu'un qui ne respire pas le swag. Là j'aimerais qu'on s'arrête pour se dire qu'à un moment donné de l'Histoire, un parent a regardé son enfant nouveau-né avec des larmes d'émotion et a ressenti le besoin de trouver un nom signifiant " boulet " - moi je trouve ça beau.

En français moderne, cette même racine a donné " péronnelle ", une insulte old-school pour désigner une petite sotte.

Pour vous consoler : Vous pouvez vous dire que l'étymologie n'est pas 100% sûre et que, peut-être que ça vient simplement du grec " petros ", qui désigne la pierre.

Dans la littérature : On a un personnage discret de Pétronille chez Maupassant, dans Une Partie de campagne, où Pétronille Dufour, plouc de la ville qui découvre la campagne, est une femme à la poitrine abondante très excitée par les deux canotiers*.

En personnage central, je n'ai que deux exemples marquants qui me viennent, et ils sont à l'antithèse de l'étymologie du prénom, ce qui est très intéressant : nous avons le dernier Nothomb, Pétronille, où cette dernière est une jeune lettrée pétillante et vive d'esprit, et Pétronille et ses 120 petits, de Claude Ponti, une maman géniale à la progéniture dispersée, qui vit des tas d'aventures en tentant de la rassembler.

Et ici, du coup, je pense qu'on peut dire que le nom, dont la signification est globalement méconnue, a été choisi pour ses caractéristiques pétillantes (ce qui en fait un bon nom de héros d'album jeunesse) : d'ailleurs on retrouve les mêmes sonorités dans cet adjectif et dans le prénom en lui-même.

* Voilà pour ce Top 7 *

Bien entendu, il y en a d'autres, des tas d'autres, même. D'ailleurs, j'ai une surprise pour vous.

J'ai concocté une petite liste non-exhaustive de prénoms de losers dans laquelle piocher librement. J'ouvre des pages de listes sur le blog, qui pourront être tout à fait fantaisistes mais vous proposeront des prénoms par thème, genre, idée. " Prénoms de losers ", " Prénoms romantiques ", " Prénoms de rebelles ", que sais-je. Faîtes-en bon usage.

Avertissement : ces listes ne paraîtront pas en tant qu'articles (elles n'arriveront pas dans votre boîte mail si vous êtes abonnés, je vais pas vous flooder avec mes bêtises) mais seront référencées ainsi dans le menu (barre du haut) :

Les deux premières sont donc une liste de Prénoms de losers et de Prénoms de rebelles. À l'usage des écrivains, des curieux, des éleveurs de chats et de furets, et des futurs parents (enfin, faîtes attentions à ce que vous faites, quand même).

Sur ce, je boucle cette thématique des prénoms à la signification toute pourrite. Vous avez un chouchou ?

À dimanche prochain pour un autre article sur les noms dans la littérature,
à mercredi pour une chronique,
et d'ici là bonne lecture😉

* Merci à Juliette S. pour les détails sur cet élégant personnage !

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