Bloody cocktail, de James M. Cain

Par Clarabel

Le mari de Joan vient de se tuer en voiture, après avoir quitté la maison dans un état d'ébriété avancé, suite à une violente dispute. La jolie veuve faisant preuve de peu de compassion, les enquêteurs de police la soupçonnent d'avoir précipité la mort du conjoint. Cependant, Joan est inquiète pour son avenir et celui de son fils. Livrée à elle-même, sans un sou en poche, elle décroche un poste de serveuse dans un bar à cocktail, où on lui apprend très vite à jouer de ses atouts physiques pour obtenir de bons pourboires.
C'est ainsi qu'elle rencontre régulièrement Earl K. White III, un homme riche, plus âgé qu'elle, sensible à son charme. Il transgresse l'avis de son médecin en lui proposant de l'épouser, malgré son angine de poitrine qui rend son état fébrile et fragile. Joan est séduite, mais contrite.
Elle n'éprouve aucune attirance pour cet homme bon et généreux, même si son aisance financière lui ôterait bien des soucis. Son fils Tad est entre les griffes de sa belle-sœur qui n'entend pas lui rendre, Joan a donc besoin d'assurer son confort matériel pour le récupérer au plus vite.
Le casse-tête se complique avec l'apparition du séduisant Tom Barclay, jeune, fougueux et ambitieux. Il est fou de Joan, prêt à tout pour ravir son cœur (et son corps) mais la belle fait de la résistance. C'est que Joan n'est pas cruche et cultive une certaine éthique que son métier et son physique pulpeux peuvent mettre injustement en doute.
Racontée à la première personne, l'histoire n'en demeure pas moins sulfureuse et sensuelle, rapportant avec une naïveté à peu près calculée un concours de circonstances malencontreuses pour notre héroïne, qui se défend de son honnêteté et de son innocence. Mais qui est Joan Medford ? Une maman aux abois, une ravissante idiote, une blonde voluptueuse, une amante redoutable, proche de la mante religieuse ?
De ses multiples facettes, Joan tire habilement toutes les ficelles de l'intrigue pour davantage nous troubler et nous interroger. Le roman en devient vite fascinant et déconcertant, il 
idéalise la femme en tant qu'objet pas si potiche et la dote d'un esprit malin et rusé. Au lecteur d'en tirer ses conclusions.
Ambiance vintage à souhait pour un revival du genre roman noir hardboiled, dans la veine des Raymond Chandler et Dashiell Hammett. Très bon ! 

Traduit par Pierre Brévignon (The Cocktail Waitress) pour les éditions Gallimard / Folio Policier, Janvier 2016