Young Tunis 1911 – Auschwitz 1945. Aurélien DUCOUDRAY et Eddy VACCARO (BD)

Par Vivrelivre @blandinelanza

Young

Tunis 1911 - Auschwitz 1945

Un récit d'Aurélien DUCOUDRAY, dessiné par Eddy VACCARO.

Éditions Futuropolis, novembre 2013.

130 pages

Thèmes abordés : boxe/sport, nazisme, Seconde Guerre mondiale, Auschwitz/Shoah.

Lorsqu'à la bibliothèque, j'ai aperçu ce boxeur sans visage sur la couverture de cette bande-dessinée, j'ai de suite été attirée. Sentiment renforcé par le titre, puis par l'étoile sur le short du sportif et enfin par l'arrière-plan, derrière le ring...

Je ne savais pas encore que cette BD retraçait l'histoire vraie, courte, intense, fauchée, d'un jeune homme, talentueux, généreux et légendaire champion du monde de boxe, catégorie poids mouche, 136 combats, 91 victoires dont 27 par KO.

Et qui, à ce jour, détient toujours le titre du plus jeune champion du monde dans sa catégorie.

Victor " Young " Perez

Faire défiler les 2 photos

L'album commence à Tunis le 11 novembre 1918. Victor a sept ans.

Sur la place, parmi la foule, il célèbre la fin de la guerre avec son père, sa mère et son frère.

Mais certains agitateurs scandent des propos antisémites, des bagarres éclatent.

La famille se réfugie chez elle. Dehors c'est le massacre.

Papa ?
-Pourquoi on est juifs ?
-...
-Papa ?
Ecoute Victor, je sais pas pourquoi on est juifs...
On est juifs, c'est tout !

Page 11.

Page 12, Auschwitz Monowitz 1944. Victor est prisonnier.

La guerre l'a rattrapé, enfermé dans ce camp où chaque instant est une lutte, d'une autre sorte...

S'alternent alors les planches de son enfance puis de sa vie jusqu'à Auschwitz, dans un ordre non chronologique mais qui éclaire le personnage et son histoire, en parallèle de la Grande.

La boxe, sport populaire en Tunisie, passionne la famille entière.

Son grand-père lui demande de lui en lire les lignes dans le journal, son frère s'entraîne et combat sous le surnom de " Kid ", alors, lui sera " Young ", et l'on assiste à ses premiers pas sur le ring.

Puis à l'envol de son succès, rapide, fulgurant, qui le mène à Paris, où il vend des chaussures, jusqu'à ce qu'en 1931, il remporte le championnat du monde des poids mouche contre Frankie Genaro, à vingt ans.

Ce même soir, il fait la rencontre d'une jeune mannequin et danseuse, Mireille Balin, son Grand Amour.

Faire défiler les 2 photos - Combat contre Frankie Genaro

Mais dès 1932, les échecs s'enchaînent, il persiste, se rend à Berlin en 1938, au lendemain de la Nuit de Cristal (9-10 novembre) dans un climat antisémite très virulent.

Les planches de ses conditions de vie, ou survie, dans le lager sont dures, sombres, prémonitoires, humiliantes, sources de jalousies, fourberies, et de morts injustes.

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Le commandant du camp, grand amateur de boxe, est ravi d'avoir parmi ses prisonniers un champion du monde, qu'il peut utiliser.

Il décide alors d'organiser tous les dimanches, pour se divertir, des combats entre un champion juif et un champion aryen.

Young est sympathique, avenant, et malgré les difficultés, cherche à aider ses amis, notamment en leur donnant à manger, car il travaille dans les cuisines.

Cela n'est pas sans lui causer des ennuis, ni l'atteindre dans son âme.

C'est dans l'ordre des choses... Tu sais, Young, c'est ce que j'aime ici, à Auschwitz, l'ordre, indicible et connu de tous...
L'ordre...
L'ordre qui fait qu'un champion du monde comme toi n'ose même pas me répondre, l'ordre qui fait qu'un peuple entier va disparaitre, l'ordre qui effacera jusqu'à votre existence de la mémoire du monde...
L'ordre et la beauté... car Auschwitz est beau, n'est-ce pas, Yoiung ?
Auschwitz est beau, je te le montrerai...
... Tu le reconnaîtras et tu l'aimeras...
Et il t'aimera en retour... Car Auschwitz c'est toi, Young...
Auschwitz, c'est toi...
CLAC !
Noir.

Page 109

Janvier 1945, le camp est bombardé, les prisonniers évacués dans le froid, la neige, une nouvelle horreur...

Dans ce qu'on a ensuite nommé " Les Marches de la Mort ", Young est assassiné par un nazi lors d'une halte dans le camp, déserté, de Gleiwitz. Tragiques oxymores...

J'ai été happée, émue, encolérée, à la lecture de ce destin prometteur, mais brisé, par la haine de quelques-uns pour un peuple, de la guerre et de cette mort, chronologiquement injuste, dans les derniers jours du conflit.

Même s'il est certain que Young n'aurait plus été le même, car la guerre et Auschwitz l'avait transformé, ce que suggère très bien la BD.

Certains évènements, certaines décisions, ne sont pas évoqués dans la BD, comme son refus de rentrer en Tunisie à la déclaration de la guerre ou son arrestation le 21 septembre 1943.

Cette BD est poignante et superbement dessinée.

Des dessins puissants, vifs, méticuleux, en deux tons. La police d'écriture est très bien choisie.

Ils nous dévoilent, Young, la vie au camp, le quotidien, les détails, les sentiments profonds des protagonistes.

Un stade à Tunis et un gymnase à Paris portent son nom, Victor " Young " Perez.

Quelques projets autour de ce jeune boxeur, adulé puis oublié, ont été tentés.

Un seul a vraiment réussi avec le film, éponyme, réalisé par Jacques Ouaniche sorti en salles le 20 novembre 2013, avec Brahim Asloum dans le rôle de Young.

Un médecin, André Nahum, qui a écrit plusieurs livres sur la mémoire des Juifs tunisiens, a un jour reçu dans son cabinet une femme qui lui a demandé d'écrire l'histoire de son frère, injustement oublié par la Grande Histoire : Victor " Young " Perez.

Ainsi a été publié en 2001, Quatre boules de cuir ou l'étrange destin de Young Perez champion du monde de boxe (réédité en 2013 aux éditions Télémaque sous le titre Young Perez, champion de Tunis à Auschwitz).

Puis une rencontre !

Celle de la petite-fille d'André Nahum, Sophie Nahum, devenue réalisatrice de documentaire, et de l'acteur Tomer Sisley. Bouleversé par ce tragique destin, il a commencé à écrire un scénario pour un film de cinéma, à s'entraîner à la boxe pour l'incarner à l'écran et à rencontrer toutes les personnes (devenues très âgées) qui ont connu Young. Mais le film de trouve pas de financement.

Ils s'associent, et avec Laurent Preece, tournent un documentaire intitulé sobrement " Young et moi ", dans lequel l'acteur remonte le temps avec pour objectif de garder le lien avec cette mémoire vivante qui disparaît peu à peu. Alors que l'enseignement de la Shoah devient clairement problématique dans les lycées d'aujourd'hui.

Mais le documentaire ne trouve pas preneur et une collecte sur un site de crowfunding est lancée en avril 2015 et le film n'est visionnable que sur CanalPlay, ou en DVD.

Février 2016, " Young et moi " est sélectionné au Festival international du grand reportage d'actualité et du documentaire de société (FIGRA), qui se tiendra du 30 mars au 3 avril.

Pour suivre l'actualité et le parcours, épique, de ce documentaire, il y a une page Facebook CLIC.

J'ai trouvé ces renseignements sur ces deux articles (que je vous invite à lire) du Huffington Post : du 25 février 2015 avec Sophie Nahum ; et celui du 30 janvier 2016.

Faire défiler les deux photos

Aurélien Ducoudray et Eddy Vaccaro ont déjà mis en BD la vie du boxeur Championzé, qu'il me faudra lire !

Pour en découvrir encore davantage sur Victor Young Perez : CLIC

Une bande-dessinée et une vie que je ne peux que vous encourager à découvrir davantage.

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

Ce titre participe au Challenge " Petit bac 2016 " d'Enna, pour ma troisième ligne, catégorie Lieu.

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