Jeanne Benameur – Otages Intimes

Par Dareel @Dareel_

C'est l'histoire d'Etienne, photographe de guerre, pris en otage dans quelque lointaine ville à feu et à sang. C'est l'histoire d'un enfermement et d'une libération - pas forcément ceux qu'on croit. Sur une thématique éminemment contemporaine, le nouveau roman de Jeanne Benameur s'ouvre comme un film d'action pour mieux se muer en authentique livre de sagesse. Avec la délicatesse d'âme et la profonde sincérité qu'on lui connait, l'auteur des Demeurées et de Profanes y tend une ligne droite entre la tête et le cœur, un chemin vers des êtres debout.

Dans un premier temps, un grand merci à PriceMinister et ses Matchs de la Rentrée Littéraire !

En choisissant ce roman, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Le thème était intrigant : un ancien otage de guerre fait son retour après avoir été libéré, et nous le suivons dans la " réintégration " de sa vie normale.

Sur le style brièvement, j'ai été plus que surprise. Des phrases courtes, claires et précises, ou juste des mots disséminés en vrac. On sent qu'on se ballade dans l'esprit de quelqu'un qui nous décrit de la manière la plus précise qui soit ce qui peut se passer dans la tête d'une personne qui sort de l'enfer et doit se reconstruire. Ici pas de dialogue ou de long discours, tout est retranscris, mais pour autant pas ennuyeux, à mon grand étonnement. C'était parfait pour un roman de moins de 200 pages, peut-être que pour un pavé ça m'aurait ennuyée.

Quant au niveau du fond du roman, je dirais qu'il s'agit plutôt là d'une introspection, d'un voyage dans le cerveau embrumé et le coeur trouble d'un homme, photographe de guerre, qui tente en vain un retour aux sources après avoir été confronté aux pires horreurs de la guerre.

Ou comment le journaliste, innocent, jamais impliqué dans un combat, et qui risque sa vie pour informer, peut se retrouver pris au piège et accusé de tous les maux. Et s'en sortir. Mais s'en sort-on vraiment dans ces cas-là ?

C'est en retournant auprès des siens, ses amis d'enfance, sa mère, et en repensant à ceux qu'on laisse derrière soi lorsqu'on a un tel métier, une amante notamment, que Jeanne Benameur a choisi de nous montrer comment l'entourage peut sauver la face d'un homme traumatisé.

J'ai apprécié les petites notes de douceur de ce roman, notamment grâce à Irène, la maman d'Etienne, le personnage en question. Grâce à la simplicité du quotidien, la puissance de la musique, le bonheur de marcher dans les bois.

C'est un roman difficile à appréhender sur un sujet qui l'est encore davantage, et le tout fait sous une forme tout à fait originale.

On ne peut pas juger, aimer ou détester, mais simplement se laisser guider et essayer de se mettre deux secondes à la place de quelqu'un qui doit vivre en sachant que d'autres sont morts derrière lui, et continueront de mourir par la suite.

Vivre après avoir été en confinement si longtemps, après avoir été traité comme un simple otage, une monnaie d'échange. Après être passé si près de la folie provoquée par la solitude et le sentiment d'abandon.

Un livre qui se lit vite, mais qui marque par sa justesse et son humanité. Un " presque " témoignage (romancé malgré tout) de la difficulté à se reconstruire, des liens si vite brisés et de l'importance d'être entouré.

[Informations livre : Jeanne Benamour - Otages Intimes | Editions Actes Sud | Drame / Récit | 192 pages | 18.80€]

Simple et efficace.