Identité et nature, par Alain Gagnon…

Par Chatquilouche @chatquilouche

La quête d’identité — Je suis borné, c’est bien connu. Physiquement, on m’a dédié une borne-hommage comme auteur, le long de la rivière Chicoutimi. Intellectuellement, il est des modes dans l’air du temps que je n’arrive pas à déchiffrer et qui, si elles motivent plusieurs, me laissent d’une froideur hargneuse.
Ainsi, hier à la radio d’État, une écrivaine dans la quarantaine parlait d’un roman pour l’écriture duquel elle s’était rendue à Lisbonne afin de retrouver son identité… Déjà, dans les années 70 et 80, on claironnait dans les chapelles littéraires que le seul objet valable de la littérature écrite ici devait être la recherche et l’expression de la québécitude. Je n’y ai jamais rien compris. Tout comme à ceux qui ânonnaient sur cette question des fins de semaine entières dans le Nord de Montréal.
Aujourd’hui, cette quête est devenue plus individuelle, ce qui ne la rend pas mieux fondée. Elle donne lieu à un amoncèlement de bluettes nombrilistes, rédigées par des adolescents près de la retraite, qui se promènent, éternels orphelins, dans un Québec en désintégration – ou dans le monde, aux frais de la princesse, c’est-à-dire à même nos impôts.
Une identité ne se cherche pas ; elle s’éprouve à travers ses œuvres. On ne peut chercher son identité ; on ne peut que la créer.
On ne capture pas le vent. Ou encore : l’homme le plus fort ne peut se soulever en tirant sur le siège de la chaise où il est assis.

*

L’art rupestre ou pariétal étonne. On s’extasie avec raison devant les œuvres, entre autres, de Lascaux : — Que d’expressivité ! Que de raffinement ! Comment des primitifs ont-ils pu ?…
Et s’il ne s’agissait pas de prélude d’un art, de primitivisme ? Mais bien d’une finale tragique, d’un art de dégénérescence, de fin de cycle ? De copies et reliquats malhabiles d’un art florissant, éclos des dizaines ou des centaines de millénaires auparavant, fruit d’une civilisation dont nous ne pouvons appréhender la grandeur ? Civilisation de ces ancêtres sublimes et quelque peu effrayants que l’on retrouve dans les mythologies et les auteurs de fiction fantastique ? Lovecraft, Jean Ray, Poe…

*

Un village où la nature reprend ses droits… — Voilà ce que l’on retrouve en bas de vignette d’une photo où la verdure recouvre les rues et les maisons d’un village abandonné. Image et commentaire rousseauistes. La nature existe pour produire de la conscience, hisser le mental au niveau du supramental et, pour cette fin, l’humain est encore son meilleur agent conscient, connu de nous, sur cette planète – malgré ses failles et ses dérives. Lorsqu’elle écrase les ouvrages humains sous ses feuillages, elle agit par automatisme ; elle ne révèle ni n’affirme aucune primauté du machinal sur le conscient. Elle est l’outil de l’Intelligent Design et ses droits sont ceux de l’Esprit en évolution.

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur .  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).