Triptyque de Cathy BORIE

Par Melisende

Triptyque
de
Cathy BORIE

Editions Kirographaires,
2011, p. 80
Première Publication : 2011
Pour l'acheter : Triptyque

Cathy Borie, enseignante dans une première vie, a toujours
eu pour passion l’écriture. Devenue écrivain public et auteur,
elle a publié deux recueils de nouvelles, puis deux romans,
La perte et Qui cherche la lune. Auteur de contes pour
enfants pour le site pataglou.com, elle anime également
des ateliers d’écriture et se lance actuellement dans
une nouvelle aventure, l’écriture de pièces de théâtre.
Triptyque est son troisième roman.

Kirographaires.


ne illusion amoureuse est plus utile à l'homme qu'une vérité sèche. Cette phrase de l’écrivain et conteur Henri Gougaud pourrait tout à la fois illustrer et résumer l’histoire de Cécile. Une femme tombe amoureuse. Sous forme de triptyque – un journal, un acte de pièce de théâtre, un récit – nous tentons d’approcher cette image floue, que nous croyons saisir, avant qu’elle ne s’efface complètement.


’ai reçu ce titre grâce à un concours organisé cet été par dix « jeunes » auteurs. Je profite donc de ma chronique pour remercier à nouveau tous les organisateurs (notamment Rodolphe Fontaine) et Cathy Borie qui m’a fait parvenir son livre (avec une petite dédicace).
Vous le savez, je lis pas mal de littérature contemporaine (enfin, peu si l’on compare avec mon débit en littérature Imaginaire, évidemment) mais je me méfie toujours car je ressens rarement quelque chose avec ce genre de récits. Je suis toujours curieuse de découvrir d’autres ouvrages mais souvent un peu « réticente » et généralement assez exigeante avec ceux-ci.
Or, Triptyque, du haut de ses 80 pages seulement, a su me convaincre du début à la fin. L’histoire est touchante, l’héroïne attachante et la forme particulièrement bien pensée. J’approuve et je conseille vivement !
Cécile, la cinquantaine, entretient une correspondance virtuelle avec Jean, 29 ans, le meilleur ami de son fils. Au fil des jours, les courriers se multiplient, les échanges deviennent téléphoniques et elle ne peut plus s’en passer. Elle tombe amoureuse. Mais cette histoire est impossible, la différence d’âge est trop grande, elle est trop vieille, trop fripée… elle pourrait être sa mère !
Derrière cette intrigue très ancrée dans notre société contemporaine et donc pas forcément très « originale », se cache les réflexions, sentiments et agissements de l’héroïne. Je ne suis pas une femme de 50 ans amoureuse du meilleur ami de mon fils et n’ai jamais été dans cette situation, mais malgré tout, grâce au talent de Cathy Borie, j’ai compris les doutes et angoisses de Cécile et j’ai parfaitement ressenti ses joies et ses peines. 80 pages, c’est très court, mais je vous assure qu’on a le temps de s’attacher à l’héroïne et que l’on se sent très impliqué par ses aventures futures.
C’est ainsi que, complètement entrée dans l’histoire, je n’ai pas vu venir le retournement de situation du dénouement… je me suis fait avoir, complètement. Avec du recul, je me rends compte que le procédé n’est pas absolument extraordinaire mais les choses les plus simples - si elles sont bien mises en œuvre, ce qui est le cas ici - sont souvent celles qui fonctionnent le mieux. Bravo !
Outre l’intrigue et son héroïne, ce que je retiendrai surtout de cette lecture, c’est sa forme particulière. En effet, je pense qu’on peut rattacher le titre choisi par Cathy Borie - Triptyque - à la division du texte en trois parties.
La première prend la forme d’un journal intime. Cécile y raconte ses premiers échanges avec Jean et l’évolution de ses sentiments. Comment mieux rapporter une profonde introspection que par quelques entrées du journal intime de l’héroïne ? La partie suivante revêt les habits d’une pièce de théâtre pour introduire le dialogue entre Cécile, sa sœur (Marielle) et sa meilleure amie (Annie). Dans celle-ci, l’héroïne questionne ses plus intimes confidentes pour savoir ce qu’elles pensent de cette relation et pour trouver les réponses à ses interrogations. Enfin, dans le troisième et dernier morceau de Triptyque, Cathy Borie choisit de passer au récit à la troisième personne pour nous conter « le passage à l’acte » de son héroïne. Ces choix formels ne sont pas anodins à mon goût, et sont parfaitement réfléchis car en accord avec le fond : c’est intelligemment construit !
Vous l’avez compris, j’ai aimé. Et je remercie Cathy Borie car c’est grâce à des textes comme le sien que je reprends un peu « confiance » en la littérature dite « contemporaine ».

"6 février
Quand les images se font trop envahissantes, je me donne la liste des obstacles insurmontables qui rendent impossible toute éventualité de relation plus qu'amicale avec Jean : son âge, le mien, son amitié avec mon fils, nos modes et lieux de vie si éloignés, le fait que je connaisse ses parents, même très mal, et surtout le fait que je suis évidemment seule à créer ces élucubrations saugrenues. Cela me calme, comme une douche froide. Provisoirement."
"15 mars
Jean me dit dans son dernier mail (on se tutoie depuis quelques jours à la demande de Noé) : "Il fait très froid ici, prend des vêtements chauds". C'est bête, mais ça m'a bouleversée. Personne ne m'a dit ce genre de choses depuis des années."