Comment Blanche a apprivoisé le VIH

Par Mathieu Van Overstraeten @matvano

Blanche (Maëlle Reat – Éditions Glénat)

Blanche est le prénom de la maman de Maëlle Reat, l’autrice de cette bande dessinée. C’est une femme courageuse, qui a travaillé toute sa carrière comme infirmière dévouée et qui a élevé trois enfants, la plupart du temps seule. Mais en réalité, Blanche, qui a toujours été fan de Freddie Mercury, le chanteur de Queen, cache un lourd secret. Dans cet album, lors d’une conversation avec sa fille Maëlle, elle accepte enfin de tout expliquer sur ce terrible secret qu’elle porte depuis trente ans. A 19 ans, au début des années 1980, Blanche est devenue l’une des premières personnes en France à être contaminée par le virus du VIH. Comment cela a-t-il pu se passer? Entre un père alcoolique et une mère dépressive, Blanche n’a pas eu une enfance très heureuse. C’est ce qui explique pourquoi elle a quitté la maison alors qu’elle n’avait que 14 ans pour vivre avec un certain Alain qui, lui, avait alors 22 ans. Malheureusement, en emménageant avec lui, elle découvre aussi la drogue. Notamment l’héroïne, qui commence à faire des ravages dans ces années-là. Et à l’époque, on partage la même seringue pour se l’injecter. C’est comme ça que Blanche finit par découvrir sa séropositivité, à vingt ans à peine. A l’époque, le sida est une maladie encore méconnue, on l’appelle le « cancer gay ». Au début des années 1980, la recherche n’en est qu’à ses balbutiements. Les patients comme Blanche se retrouvent face à des médecins effrayés qui, parfois, refusent carrément de les soigner. Elle décide donc de cacher son état à tout le monde car à l’époque, le virus est synonyme de dépravation. Devant sa fille médusée, Blanche raconte sa peur, sa solitude, sa honte, mais aussi les discriminations qu’elle a subi pendant des années…

« Blanche » est une histoire poignante parce qu’elle est basée sur des faits réels. Cette BD, conçue en partenariat avec l’association AIDES, est bien plus qu’un témoignage. Elle est aussi et surtout un formidable message d’espoir. Elle rappelle notamment la différence entre le fait d’être porteur du virus du VIH et le fait d’être malade du sida. « Je ne suis pas malade », crie Blanche à sa fille. Le courage de cette femme est hors du commun. Alors qu’on ne lui donne que 5 ans à vivre au moment où elle apprend sa séropositivité, elle est toujours là aujourd’hui, grâce à l’évolution des traitements. Et elle a été jusqu’au bout de son envie de maternité, même si on découvre que lorsqu’on est porteur du VIH, la grossesse devient un sacré combat, notamment parce qu’il faut lutter contre les préjugés du monde médical. Détail incroyable: sa fille Maëlle est née le 1er décembre 2000, le jour précis de la journée mondiale de la lutte contre le sida. Maëlle Reat, justement, parvient à transformer ce témoignage bouleversant et très intime en un récit terriblement inspirant. Bien sûr, sa BD est un éclairage historique sur le VIH et un message de prévention qui reste plus que jamais nécessaire alors que le virus continue de se propager. Mais c’est également une magnifique histoire de résilience. En la lisant, on se rend compte à quel point Blanche a dû faire face pendant la plus grande partie de sa vie à un monde mal informé et très jugeant. Mais heureusement, ce monde a évolué dans le bon sens. C’est sans doute ce qui explique pourquoi Blanche peut se permettre de briser le silence aujourd’hui, car elle n’a plus cette terrible peur d’être rejetée.