Les gorilles du Général – Tome 1: Septembre 59 (Xavier Dorison – Julien Telo – Editions Casterman)
« Les gorilles du Général » n’a rien d’un récit animalier. Les gorilles, c’est le surnom donné aux quatre gardes du corps engagés pour protéger Charles De Gaulle lorsque celui-ci revient au pouvoir en tant que Président de la République à la fin des années 1950. Il faut dire qu’à l’époque, le contexte politique est plutôt tendu en France, car les attentats liés au conflit en Algérie commencent à toucher aussi la métropole. Alors que De Gaulle est rappelé au pouvoir afin de résoudre la crise algérienne, il devient alors l’un des dirigeants les plus menacés de la planète. Dans cette BD, le scénariste Xavier Dorison se penche sur le destin des quatre hommes de l’ombre chargés de le protéger, prêts à tout pour garder le Président en sécurité. Et comme toujours avec lui, c’est très réussi. On connaît le talent de Xavier Dorison pour raconter une bonne histoire. C’est à lui qu’on doit le western « Undertaker », par exemple, ou encore le délicieux « Ulysse & Cyrano », l’un des plus gros succès de 2024. Ces quatre gorilles, ce sont quatre mousquetaires, quatre potes inséparables. D’ailleurs, le général De Gaulle n’aura que ces quatre gardes du corps durant toute sa présidence, qui durera jusqu’en 1969. Au début de l’album, l’entente entre les quatre hommes n’est pourtant pas gagnée d’avance. Notamment parce que le Chanoine, l’éminence grise de De Gaulle, décide d’ajouter une jeune recrue prometteuse à l’équipe, ce qui ne fait pas plaisir aux trois autres gorilles. Ce jeune, c’est Max Milan, qui a été formé à la prestigieuse académie du FBI et qui s’apprête à commencer à travailler pour les Américains lorsque son téléphone sonne. On lui propose de protéger le général De Gaulle, ce qu’il accepte avec fierté. Mais il va devoir faire ses preuves avant d’être accepté par ses nouveaux collègues…
La BD « Les gorilles du Général » est-elle une histoire vraie? Oui et non. Cette nouvelle série repose sur des éléments et des personnages tout à fait véridiques, comme on le découvre dans les pages documentaires à la fin de l’album, mais la force des auteurs est de s’appuyer sur cette réalité pour construire un récit de fiction. Le scénario de Xavier Dorison s’offre en effet quelques libertés avec l’Histoire (avec un grand H) pour raconter avant tout une bonne histoire (avec un petit h). Une histoire trépidante, faite de trahisons et d’espoirs, de grandeurs et de déceptions, de victoires et d’échecs. Au-delà des questions politiques, cette bande dessinée se focalise avant tout sur le quotidien de ces quatre hommes hors du commun, dévoués corps et âme au Général, au point d’y sacrifier leur famille et leurs amis. C’est en mettant en avant leurs doutes et leurs failles que le récit devient plus humain et plus passionnant. L’un des éléments les plus réussis dans cet album, c’est la reconstitution de l’ambiance des années 50, avec des personnages à la Lino Ventura et des dialogues qui s’inspirent de Michel Audiard, comme dans les films de cette époque. Le dessinateur Julien Telo, qui s’était fait connaître dans des albums complètement différents jusqu’ici (davantage dans le registre de l’heroic fantasy), a clairement réalisé un gros travail de documentation pour rendre son album le plus crédible possible. Ce qui n’empêche pas ses pages d’être pleines de dynamisme et d’action. Comme son titre l’indique, ce premier album couvre le mois de septembre 1959, mais on sait déjà qu’il y aura trois tomes au total, et que le prochain album nous emmènera en décembre 1959 à Colombey-les-Deux-Eglises.