Marion Millo – Les mots bleus ***

Par Laure F. @LFolavril

Cambourakis – 2025 –

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On ne sait si c’est elle ou il. C’est un enfant qui n’a jamais su parler. Un enfant qui grandit, étranglé entre la violence d’un grand-père monstrueux et le rejet d’une mère de plus en plus distante. Cet enfant qui n’a jamais pu parler a pourtant tout un monde en lui. Et son regard sur le monde, les choses, la nature, la vie est incroyable. Si les mots ne surgissent toujours pas, sa perception du monde s’aiguise. Iel survit grâce aux lectures empruntées à la bibliothèque, les mots des autres sont une source inépuisable de consolation. « Des millions de mots dans l’attente que les pages se tournent pour sortir de leur sommeil et façonner des mondes à foison. Les mots, moi je les vois le plus souvent bleus, vous savez, ce bleu nacre des ailes de libellule ? Je les attrape en plein vol parfois, m’émerveillant de leurs reflets qui réfractent la lumière, la kidnappent. Je crois que je ne pourrai pas vivre sans eux, ils m’éclairent depuis toujours. Depuis la nuit des temps. »

Quand le grand-père tyrannique meurt, la mère s’enfuit. Iel reste seul.e. Et puis une femme vient l’embarque avec elle, Casque de cuivre. Une femme qui se sauve. Qui sauve sa peau. Une femme en fuite. « Ça fiche un peu la frousse une joie pareille, une vague si haute qu’elle bouffe l’horizon. Comment ne pas envisager déjà le creux qu’elle promet derrière elle ? » Iels se retrouvent embarqué.es dans un singulier roadtrip. La route défile, le hasard leur donne des ailes. « J’emporte surtout ce moi neuf, tissé.e de tous les possibles. »

Au fil des Mots bleus se déploie une langue d’une infinie poésie. Délicate et sensorielle. Un roman initiatique ou chaque mot a son importance.

« J’avais déjà compris que les mots me permettraient d’élargir le réel, de le rendre moins décevant. »