Alexandra Boilard-Lefebvre – Une histoire silencieuse ***

Par Laure F. @LFolavril

La Peuplade – 2025 – 256 pages

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« L’histoire d’une femme sans histoire qui raconte peut-être mieux que les grandes victoires l’exercice de vivre auquel nous sommes soumis. » Thérèse, c’est la grand-mère morte de façon mystérieuse, si jeune. La mère de son père. Depuis toujours, dans la famille, on ne parle d’elle que par ce qui l’a tuée. Sa mort, comme une souillure. Sa vie, vilainement résumée à sa mort. « Avec le temps, les mots choisis pour la raconter s’étaient consolidés en une formule puissante, condamnant Thérèse à mourir éternellement. À être perpétuellement en train de mourir. » La narratrice ne connaît rien d’autre d’elle. Sur les photos, Thérèse a ce regard absent, songeur. Rêveur. Ailleurs. Alexandra se décide alors à enquêter sur cette femme qu’elle n’a pas connu, cette femme qui la hante à la façon du personnage d’un roman qui ne demande qu’à être écrit, couché sur le papier. Un personnage qui réclame une vie de papier. Le silence épais qui a toujours entouré cette histoire la fascine. Au fil du texte, des bribes du passé, des fragments de souvenirs resurgissent, sous la forme de paroles qui tatonnent, de paroles morcelées qui s’échappent des bouches des amis, des parents, oncles, tantes…

Une histoire silencieuse est un roman qui ne rentre dans aucune petite case… autofiction, enquête familiale, reportage de l’intime… ? L’histoire d’une femme enfermée, une femme victime de la sphère domestique, une de celles que Betty Friedan décrivaient dans son ouvrage sur le syndrome de la ménagère… Une femme a qui l’autrice tente de rendre sa voix. Tous les ingrédients étaient réunis pour que je plonge tête la première dans ce texte à la beauté singulière. J’ai été bouleversée par la destinée tragique de Thérèse, dont l’être va me hanter un moment.

« Riez ! Quand vous avez le sentiment que vous êtes arrivées au bout du rouleau, quand vous vous sentez désespérées, vides, quand vous vous ennuyez, quand vous avez l’impression d’être prises au piège du ménage, du transport des enfants en voiture, des détails de la vaisselle, riez donc. Nous sommes toutes prises au piège. »