Ma note Ma chronique « On s’était dit : à quarante ans, si on est toujours seuls, on fera un enfant. Et c’était arrivé. On y était. » Chloé et Thomas ne vivent pas ensemble, mais se connaissent depuis près d’une décennie. Et s’ils ont chacun d’autres partenaires, ils restent très liés. Au point de faire cet enfant dont ils ont souvent parlé. Et si Chloé s’imagine que la naissance d’Anna parviendra à souder son couple, Thomas est mal à l’aise dans ce doux cocon familial et ne tarde pas à reprendre sa liberté, tout en restant attentif au bien-être de sa compagne et de leur fille. Ils sont parents, mais autrement. Et c’est sur ce modèle peu conventionnel qu’Anna grandit, ignorant que sa mère consigne leur relation dans des carnets qu’elle décide de lui remettre alors qu’elle s’apprête à quitter la maison pour construire sa propre vie. Le livre d’Anna Où ? Quand ? Ce qu’en dit l’éditeur Les critiques Les premières pages du livre J’ignore de quoi je rêvais à l’époque. Ce qui se cachait derrière cet inaccessible. Je crois que je rêvais d’amour. C’était ça, cet ailleurs si lointain. Une quête d’amour. Aujourd’hui, je crois que cette quête, c’était celle d’être mère. C’est mon plus beau rêve. Ma plus belle victoire. L’inaccessible étoile, c’est cet amour inconditionnel que l’on donne et que l’on reçoit. Dimanche. Anna dort encore. Hier j’ai nettoyé tout l’appartement. J’ai commandé des sushis. Je n’ai jamais su cuisiner, elle le sait bien. Pendant des années, ça a été notre rituel du samedi soir, les sushis. Aujourd’hui, Anna a dix-huit ans. C’était pour elle, c’était son cadeau. Sur le frigo depuis des années, il y avait un aimant où était écrit : « Il y a deux choses à donner à nos enfants, l’une ce sont des racines, l’autre ce sont des ailes. » Les ailes, Anna les avait. Ces carnets, c’étaient ses racines. Elle m’a serrée dans ses bras. Elle ne savait pas. Je ne lui en avais jamais parlé Je voyais bien qu’elle était touchée. Elle m’a dit : je les lirai. Mon ange, ma fille, une autre page allait s’écrire maintenant. Dix-neuf ans plus tôt. Un soir d’octobre. J’appelle Thomas. Je lui dis j’ai réfléchi, j’ai besoin de te parler. Je voudrais un enfant. Thomas laisse un blanc puis me dit, Chloé, qu’est-ce que tu dis, tu ne peux pas me dire ça au téléphone, comme ça. Je viens. Laisse-moi une demi-heure et je suis chez toi. Je connais Thomas depuis plus de dix ans. On a essayé d’être ensemble et cela n’a jamais vraiment marché. Pourtant on s’aime. Mais il n’a jamais voulu du couple qu’on formait. On avait chacun sa vie, chacun chez soi. On passait des nuits ensemble. Comme des amis. Comme des amants. Il rencontrait d’autres filles, je rencontrais d’autres hommes. On se le disait. On ne se perdait jamais. Tôt ou tard, on se retrouvait à partager une nuit. Thomas aussi voulait des enfants. On en parlait souvent. Maintenant cela va arriver. On va devenir des parents. De drôles de parents qui n’habitent pas ensemble. Qui ont d’autres amoureux. Extraits « Je ne sais plus qui a dit qu’écrire était un moyen de ne pas perdre, je ne sais plus la phrase exacte non plus, mais, ce matin, je ressens ça. Comme souvent. La nécessité d’écrire pour ne pas perdre ce que tu as vécu. Une simple image. Un simple mot. C’est écrit, donc c’est encore vivant. C’est écrit, donc c’est à tout jamais vivant. » p. 92 À propos de l’autrice Madeline Roth © Photo DR Madeline Roth travaille depuis presque vingt ans à la librairie jeunesse L’Eau Vive, à Avignon. Elle dit souvent que la librairie est sa deuxième maison. Passionnée de lecture depuis toujours, elle collabore aussi régulièrement à des revues littéraires. Elle publie ses premiers romans pour adolescents en 2015. Après Avant le jour, son premier texte à destination des adultes paru en 2021, elle a publié Le livre d’Anna en 2024. (Source: Éditions Le Rouergue / La Fosse aux ours) Page Facebook de l’autrice Tags
★★★ (bien aimé)
« Tu es mon plus beau livre »
Madeline Roth confirme les espoirs nés avec « Avant le jour ». Dans ce second roman, aussi court que sensible, elle retrace les années vécues avec sa fille Anna, son amour inconditionnel et son émotion de la voir quitter la maison à 18 ans.
Quatre cahiers pour raconter une enfance, une relation, une vie à deux qui commence par un souvenir d’enfance : une carte du monde accrochée au mur, et tout en bas, au milieu de l’océan, « une toute petite île, l’île inaccessible. » Ce mot – inaccessible – devient le fil conducteur d’un récit nostalgique et tendre. « Je rêvais à cette île », écrit la narratrice, avant de comprendre que cette île rêvée, c’était peut-être l’amour. « Une quête d’amour. Aujourd’hui, je crois que cette quête, c’était celle d’être mère. C’est mon plus beau rêve. Ma plus belle victoire. L’inaccessible étoile, c’est cet amour inconditionnel que l’on donne et que l’on reçoit. »
Un acte d’amour qui est aussi un passage de relais : l’enfant est désormais adulte, il faut la laisser partir. « Ma toute petite s’en va », murmure-t-elle à plusieurs reprises, comme un mantra doux-amer.
À travers ce geste, Roth interroge la place de l’écriture dans la transmission : écrire pour ne pas perdre, écrire pour que cela reste. « Je ne sais plus qui a dit qu’écrire était un moyen de ne pas perdre, je ne sais plus la phrase exacte non plus, mais, ce matin, je ressens ça. Comme souvent. La nécessité d’écrire pour ne pas perdre ce que tu as vécu. Une simple image. Un simple mot. C’est écrit, donc c’est encore vivant. C’est écrit, donc c’est à tout jamais vivant. » Ce lien entre écriture et mémoire traverse tout le texte dans une prose légère, limpide.
« Je me demande ce que ma fille gardera de son enfance. Quelles odeurs, quels goûts, quels parfums. Est-ce qu’elle sera autant nostalgique que moi, que ma mère, sa grand-mère ? Est-ce que la nostalgie, ça empêche de vivre au présent ? […] La nostalgie, c’est parfait pour écrire. Je peux remplir des cahiers entiers de souvenirs. Mais je crois qu’il me manquerait, quelque part, cette énergie du temps présent. » Tout est là : ce balancement entre le passé que l’on chérit, et l’élan qu’il faut pourtant trouver pour continuer à vivre, une fois les enfants envolés.
On retrouve dans ce texte, comme dans son précédent Avant le jour, ce qui fait le style discret et vibrant de Madeleine Roth : une attention aux détails du quotidien, une écriture de l’épure, capable de transformer les gestes les plus simples en révélateurs de sentiments profonds. Quelle belle manière de parler de transmission, de mémoire, de départs, mais aussi de tout ce qui reste. Un roman pour les mères, pour les filles, et pour tous ceux qui savent que l’amour se dit parfois mieux dans le silence d’un carnet qu’au creux d’un mot.
Madeline Roth
Éditions La fosse aux ours
Roman
128 p., 17 €
EAN 9782357071827
Paru le 16/02/2024
Le roman est situé en France, dans une ville qui n’est pas citée, mais qui ressemble à Avignon. On y évoque aussi Tarascon, un séjour au Grau-du-Roi et Montpellier.
L’action se déroule tout au long des vingt dernières années.
Le livre commence aux dix-huit ans d’Anna. Pour son anniversaire, ses parents, séparés, sont réunis. Sa mère lui offre alors les carnets dans lesquels, depuis sa naissance, elle consigne son quotidien. Le livre qu’on lit alors, ce sont ces carnets. L’envie, à 40 ans, d’avoir un enfant avant que ce ne soit trop tard. Sa relation avec Thomas, plus amant qu’amoureux. La grossesse. Les premiers mois. Et puis la garde alternée. Cette enfant que, soudain, on ne voit plus tous les jours. C’est un texte sur la maternité, sur la façon dont on élève, seule ou presque, un enfant qui ne dort pas chez vous toutes les nuits. C’est un texte sur comment être mère et femme à la fois. Composé de courts fragments, c’est un livre qui dit toute la difficulté à être mère et l’amour fou d’une mère pour sa fille.
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« J’ai peu de souvenirs de mon enfance. J’ignore pourquoi. Mais j’ai un souvenir assez fort. Dans l’appartement que nous occupions lorsque j’étais petite, il y avait une grande carte du monde. Et tout en bas, dans mes souvenirs, dans l’Océan, entre l’Afrique et l’Amérique du Sud, il y avait une toute petite île, l’île inaccessible. C’était son nom. Je rêvais à cette île. Petite, j’aimais aussi beaucoup Jacques Brel, et notamment La Quête. « Pour atteindre l’inaccessible étoile. »
J’ai invité son père, sa compagne, leur fille, ma mère, et l’amie d’Anna, Anouch. On sera sept. C’est la première fois que le père d’Anna et sa compagne viendront déjeuner chez nous. Ils ont dit oui tout de suite. Anna était heureuse. Dans moins de deux mois, elle sera partie. Elle a trouvé une école de photographie à Montpellier. Il faut encore qu’on lui cherche un appartement. Ma toute petite. Ma toute petite s’en va et je n’ai rien vu passer.
Ils sont arrivés à midi, les bras chargés de cadeaux. Anna avait dormi tard. En se levant, elle m’avait embrassée, longuement. J’ai de la chance, elle a toujours fait ça. Elle m’a dit: tu ne pleureras pas, hein ? et j’ai souri. Si, peut-être que j’allais pleurer. Ma toute petite s’en va.
On a déjeuné tous ensemble et c’était joyeux. Je voyais bien que ma mère était émue. Elle a toujours adoré Anna. Camille, la petite sœur d’Anna, n’arrêtait pas de lui faire des câlins. Elle aussi, elle avait compris. Sa sœur allait quitter leur appartement. Elles ont toujours eu une tendre complicité l’une envers l’autre. Jamais Anna n’a parlé d’elle en disant ma demi-sœur. C’est sa sœur.
Après les sushis, j’avais aussi commandé un gâteau. Au chocolat. J’ai placé les bougies. Dix-huit. Anna les a soufflées en riant. On a pris des photos. Et puis on lui a donné ses cadeaux. Je lui avais achetée une robe. Une très belle robe. Et puis deux assiettes, des couverts, deux bols, pour son futur appartement. C’était un clin d’œil. On irait ensuite acheter tout le reste.
Ils sont restés une partie de l’après-midi. C’était un dimanche de juillet où il faisait très beau, comme le jour de la naissance d’Anna. À un moment, Thomas m’a prise dans ses bras. Il a dit : ça va aller, n’est-ce pas ? et j’ai dit oui. En vérité je ne savais pas. Oui, ça irait. Elle reviendrait les week-ends, peut-être pas tous. Montpellier, ce n’était pas loin. On s’appellerait. Ça irait. J’avais des larmes au bord des yeux. Ma toute petite s’en va.
Une fois tout le monde parti, j’ai dit à Anna que je voulais lui parler. J’avais enveloppé des carnets dans du papier cadeau. Les carnets que j’écrivais pour elle depuis sa naissance. Ils lui revenaient maintenant. Quatre carnets, différents, dans lesquels j’avais consigné les joies, les doutes, les peines. Où je l’avais regardée grandir.
J’attends Thomas. Je fais les cent pas dans ce petit appartement. Je fume des cigarettes sur le balcon. Et puis il arrive. Il me prend dans ses bras. Il dit, alors, raconte-moi. Et je raconte. Je vais avoir quarante ans. Je veux un enfant. Je veux un enfant de lui, parce qu’il est l’homme que j’ai le plus aimé. Un enfant de lui, parce qu’il fera un merveilleux père. Tu le reconnaîtras, il portera ton nom. Et tu le verras autant de fois que tu le souhaites.
Il dit Chloé, tu es sûre de ce que tu dis ? Tu veux élever un enfant toute seule, à ton âge ? Je lui dis que je suis sûre. Cela fait des années que j’y pense. Je veux un enfant. Thomas ne dit plus rien. Il me regarde, ému. Il me dit laisse-moi réfléchir, je ne peux pas te répondre maintenant. D’accord. Réfléchis mais dis-moi oui. Il reste encore plus d’une heure avec moi. Et puis il s’en va dans la nuit.
Le lendemain, il m’appelle. Il me dit on peut se retrouver au restaurant, si tu veux. Je m’habille, je mets ma plus belle robe, Quand j’arrive il est déjà là, attablé. Il me dit c’est oui. C’est d’accord. On aura un enfant.
J’ai un souvenir très fort d’un après-midi de juin, j’ai seize ans. J’ai un amoureux que je vois seulement le week-end. J’ai séché les cours de l’après-midi, et je suis attablée là, à la terrasse du café en face du lycée, je pense à cet homme que j’aime et au bébé qui peut-être est déjà dans mon ventre. Je pense que ce serait bien de le garder. Puis l’instant d’après je me dis que c’est de la folie, j’ai seize ans, il en a vingt, je suis encore au lycée. Pourtant l’idée d’être mère est déjà très belle dans ma tête. Lorsque je lui raconterai, quelques jours plus tard, il me dira : si un jour tu as une fille, on l’appellera Léa. J’ai passé toutes ces années de ma vie à imaginer être mère. Les amoureux étaient des pères potentiels. Je m’enfuyais quand je n’y croyais pas. Jusqu’à Thomas.
Je me souviens parfaitement de la première nuit avec Thomas. On s’était retrouvés place Pie, en terrasse, C’était au mois de mai. La soirée avait duré jusque tard dans la nuit. À un moment, je me suis levée pour aller aux toilettes et, j’ignore pourquoi, j’ai croisé Thomas, debout, face à moi, et je me souviens très fort de cet instant-là. Je le trouvais si beau. J’avais pensé qu’on allait s’embrasser. Et un peu plus tard, j’étais sortie du bar pour fumer, et il était là, dehors, et je lui avais dit : tu m’embrasses ? et cela avait duré toute la nuit. La porte s’ouvrait régulièrement, des gens entraient et sortaient, et nous on restait là, debout, à s’embrasser. J’avais passé la nuit chez lui. Sur la place devant son immeuble, il y a une fontaine. J’entends encore le bruit de l’eau. Si on me demandait, aujourd’hui, ma plus belle nuit, je dirais celle-là, sans hésiter. Nos deux corps ensemble, toute la nuit.
C’était un drôle de déjeuner avec lui. Je ne savais pas si je pouvais y croire. Devenir mère. Les jours qui ont suivi, Thomas s’est installé chez mot, pratiquement. Il ne rentrait que très peu chez lui. Il m’a dit, il faut qu’on fasse souvent l’amour. Et on l’a fait. Souvent. C’était terriblement bizarre, d’être si proche de lui à ce moment-là. C’était un drôle d’amour. Autour de moi les gens n’y avaient jamais rien compris. J’aimais Thomas. Et il m’aimait. Pas assez pour que cela fasse un couple, un vrai. Mais je crois qu’on s’en foutait. On se connaissait depuis dix ans. On avait parlé plusieurs fois de faire un enfant, mais c’était une sorte de blague. On s’était dit : à quarante ans, si on est toujours seuls, on fera un enfant. Et c’était arrivé. On y était. »
« Je me demande ce que ma fille gardera de son enfance. Quelles odeurs, quels goûts, quels parfums. Est-ce qu elle sera autant nostalgique que moi, que ma mère, sa grand-mère ? Est-ce que k nostalgie, ça empêche de vivre au présent ? Je regagne la librairie. À l’intérieur il fait encore très frais. Ce soir, j’ai prévu de cuisiner, un peu. C’est une idée à Anna. La nostalgie, c’est parfait pour écrire. Je peux remplir des cahiers entiers de souvenirs. Mais je crois qu’il me manquerait, quelque part, cette énergie du temps présent. » p. 51
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