Renée Vivien : L’Aimée

Par Lebouquineur @LBouquineur

Pauline Mary Tarn, alias Renée Vivien (1877-1909), surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française aux multiples appartenances littéraires, relevant à la fois du Parnasse, du Symbolisme, du Préraphaélisme, et du romantisme tardif qu'est le Naturisme à la Belle Epoque. Un prix annuel de poésie, le prix Renée-Vivien, a été créé pour lui rendre hommage.

L’Aimée roman paru en 1905, est aussi connu sous le titre Une femme m’apparut. Récit où une femme décrit son coup de foudre passé pour une autre. Sous le roman, Renée Vivien relate sa relation avec Natalie Barney (ici nommée Lorély) qui allie passion et déceptions. Natalie Clifford Barney (1876-1972), est une femme de lettres américaine du XXème siècle connue pour ses poésies, mémoires et épigrammes et une des dernières salonnières parisiennes. Dans la vraie vie elle eut une liaison orageuse avec Natalie Barney, qu'elle quitta, trouvant ses multiples et quotidiennes infidélités accablantes, refusant même, à son retour des Etats-Unis, de la revoir. Natalie, qui ne se résignera jamais à cette séparation, fera des efforts acharnés jusqu'à la mort de Renée pour la reconquérir, envoyant des amis communs, Pierre Louÿs notamment, plaider en son nom, ou lui adressant des fleurs et des lettres où elle lui demandait de revenir sur sa décision.

La narratrice du roman tombe sous le charme de Lorély, un amour non réciproque, qui met au désespoir la première et n’arrange pas le caractère assez « spécial » de la seconde qui objecte à l’amoureuse transie « Je voudrais tant t’aimer ! ». Elle voudrait mais elle ne peut pas car elle est incapable d’aimer « Elle gardait, on eût dit, une rancune à ses amantes et à moi de l’amour que nous ne pouvions pas lui faire connaître. » Lorély traverse la vie comme une âme en peine « Je m’ennuie… Je m’ennuie tant » et le monde alentour la déçoit « Les êtres m’irritent et me déçoivent tout ensemble. Ils ne me laissent point l’illusion nécessaire à l’amour. » Comment pourrait-il y avoir de l’amour si le bonheur n’existe pas ? « Les heureux ? Où sont-ils ? Et, s’il y en avait sur la face du globe, de quel monstrueux égoïsme serait fait leur bonheur ? »

L’étrange créature est néanmoins l’attraction désirée par toutes celles qui l’approchent, aimant fatal, éternelle tentation féminine. Toutes croient pouvoir la séduire et la posséder mais quand elles sont au plus près du but, l’objet de leur désir les renvoie sans aucun remords, « Le sentiment de sa puissance féminine l’enivre ».  Exit Doriane qui se croyait maligne, et Nedda, et Eva, et Ione, amie d’enfance de la narratrice, laminée par la déception elle trouvera une échappatoire dans la foi, se réjouissant de la mort prochaine qui lui est promise.

Un roman qui ne peut pas faire l’unanimité, personnellement je suis passé par deux étapes : il ne se passe pas grand-chose dans le récit, ce ne sont que dialogues, discussions pataugeant dans le masochisme psychologique et je me barbais sérieusement devant leurs minauderies ou théories fumeuses et puis, touché par la grâce (?), la poésie du texte a estompé mon agacement (« Le crépuscule, dit-elle, est semblable à une femme qui pleure en une chambre silencieuse, où se fanent des fleurs blanches ») et sans pousser le bouchon jusqu’à dire que j’ai aimé cette Aimée, j’ai refermé le livre l’énervement calmé.