Tasmania

Par Lecteur34000

" Tasmania "

GIORDANO Paolo

(Le Bruit du Monde)

Ce roman a finalement su séduire le vieux Lecteur. Bien que ses maigres connaissances dans le domaine des sciences soient réduites au strict nécessaire. Un domaine au sein duquel l'Ecrivain, lui, est à l'aise. Or, le sujet que traite Paolo Giordano est en prise directe avec les problématiques majeures, des problèmes face auxquels l'opinion des scientifiques se doit d'éclairer le commun des mortels. Ceux du réchauffement climatique et de leurs probables conséquences. Ceux d'un monde en dépérissement que les générations actuelles laisseront à celles qui demain en auront l'usage. Et surtout, ceux du devenir de l'espèce humaine et de sa capacité à s'adapter aux conditions nouvelles créées par ce réchauffement.

Le roman débute en novembre 2015 avec la COP 21, COP à laquelle le narrateur, journaliste et romancier, est un observateur pour le compte d'un quotidien italien. Paris où viennent de ses produire des attentats parmi les plus meurtriers que l'Europe ait jamais connus. Le roman est d'abord celui qui tente de donner du contenu et de la lisibilité aux crises que traversent les sociétés occidentales. Crises auxquelles se greffent celle que vit le narrateur dont la relation avec sa compagne bat de l'aile. Puis le roman s'éclaire lorsque le même narrateur s'attarde sur " le " drame qui marque non point tant la fin de la Seconde guerre mondiale que les premiers temps de l'angoisse nucléaire, consécutive aux bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki par l'armée américaine. Le premier crime contre l'humanité d'une telle ampleur, d'une violence incommensurable. Deux chapitres d'une force et d'une intensité exceptionnelles que conforteront, à la toute fin du roman, la relation du voyage mémoriel qu'effectueront dans les deux villes martyrs le narrateur et son ami Giulio.

Tasmania est un de ces rares livres à découvrir toutes affaires cessantes. Parce qu'il met son Lecteur face à ses responsabilités de citoyen. Parce qu'il laisse entendre que les solutions, si tant est qu'il soit encore temps d'éviter la catastrophe finale, ne sont pas dans les mains des dirigeants politiques. Nous sommes à quelques heures de tragédies, initiées par celles d'Hiroshima et de Nagasaki, d'une ampleur que l'imagination peine à concevoir. Le tocsin que fait retentir le roman de Paolo Giordano est de ceux qui réveillent les consciences. Celles des femmes et des hommes qui ne se résignent pas à subir les politiques de lâcheté et de démission préconisées par les grands de ce monde.

" Si cela est vrai, me dis-je, est-il possible que la radiation conserve une mémoire de ce qu'elle a été ? Un spectre d'émission qui, analysé par les instruments adéquats, nous rendrait une forme cohérente de la personne, voire ses pensées ? Serait-ce ce qu'on qualifie " d'âme " dans d'autres contextes ? Se peut-il alors que tous les morts existent encore sous forme de radiations, tous ceux du passé et ceux du présent... et qu'ils traversent en cet instant même les couches du sol et ma propre personne ? "