La vie comme un roman de Simone Guillissen-Hoa

Par Lucie Cauwe @LucieCauwe

Louvain-la-Neuve, en partie bâtie selon les plans de Simone Guillissen-Hoa.
(c) Jean-Dominique Burton/Prisme.

 Louvain-la-Neuve. Tout le monde connaît ce projet fou des années 1970 de construire une ville nouvelle au milieu des champs. Qui sait toutefois qu'une de ses plus anciennes parties fut établie selon les plans de Simone Guillissen-Hoa? Une architecte belge! Une des premières femmes architectes belges même! Une architecte moderniste belge, du second modernisme exactement, dont le nom n'a guère percé, contrairement à celui de ses homologues masculins, Henry Van de Velde ou Constantin Brodzki pour ne citer qu'eux.
Le nom de Simone Guillissen-Hoa va pouvoir sortir de l'ombre grâce à la formidable biographie illustrée que lui consacre Caroline Mierop, l'ancienne directrice de l'ENSAAV La Cambre - entre autres fonctions. Tout simplement intitulée "Simone Guillissen-Hoa Architecte 1916-1996" (Prisme éditions, 232 pages), elle se lit comme un roman grâce à une écriture précise mais virevoltante. Le texte marie avec justesse et élégance éléments de vie, témoignages, écrits, engagements et réflexions. Il est ponctué de sept "portraits-souvenirs" signés Jean-Pierre Hoa, le fils de l'architecte devenu également architecte dont on découvre l'origine du prénom.

1916-1996. Ces deux dates balisent une vie qui fut extraordinaire à tous points de vue. Simone naît en effet d'un père chinois et d'une mère juive polonaise qui se sont rencontrés à Paris et se sont installés en Chine. La famille qui s'est agrandie voyage entre l'Asie et l'Europe. Après Paris et l'Angleterre, Simone viendra faire ses études d'architecture à La Cambre. Une école où étudier et établir de solides amitiés. On suit la jeune femme dans tous ses chemins, amitiés, amours, architecture, famille, engagements politique et civil, féminisme et maternité en solo. Résistante pendant la guerre, elle connaîtra un camp de concentration dont elle reviendra mais ne dira rien. En parallèle, devenue Simone Guillissen-Hoa par mariage, elle travaille, assistant un architecte ici, créant là ses propres maisons ou des bâtiments publics. Avec en constante la recherche de la lumière naturelle. Les six chapitres du livre sur l'architecte permettent de bien suivre l'évolution de ses recherches et leur aboutissement. Des éléments les plus importants à d'attachantes anecdotes.

Une des premières doubles pages. (c) Prisme éditions.


En parallèle à son sujet principal, Caroline Mierop conte cette Belgique créatrice et innovante. Que ce soit à l'école avec la fréquentation de l'école Hamaïde ou lors de rencontres amicales ou de plans conçus pour des amis, ici ou ailleurs, on perçoit l'énergie de cette jeune femme qui semblait ne jamais devoir vieillir. Les noms égrenés au fil des pages raviront les habitants du sud de Bruxelles, pour peu qu'ils aient un certain âge. C'est en effet là que sont nés plusieurs maisons ou immeubles de Simone Guillissen-Hoa, dont celui qu'elle s'est fait pour elle-même rue Langeveld à Uccle et qui existe toujours. Les innombrables photos ponctuent les différents épisodes de cette vie incroyable, habilement mis en page et dont les textes sont présentés dans un caractère au noir affirmé qui correspond parfaitement au style moderniste de l'architecte. D'avoir rencontré Simone Guillissen-Hoa dans ces pages splendides, on se sent grandi.  

L'appartement de l'architecte dans l'immeuble de la rue Langeveld.
(c) ArchitectenWoning/Prisme éditions.