Les Sentiers des Astres, tome 4 - Jaunes Yeux

Par Mana_


L’expédition Rana a retrouvé la Voie au Roi : cette fois, l’Oracle semble bel et bien à portée de main, et par lui, le salut du Vieux Royaume. Mais reste-t-il encore quelque chose à sauver ? Là-bas, dans l’Héritage, le sort des armes a mal tourné ; Maroué la sorcière est aux abois, sur le point de tout perdre… Sous la lune versatile, des forces anciennes menacent. Plus que jamais, Fintan et les siens sont en proie au doute. Ils savent que le danger ne vient pas seulement de la forêt : il couve aussi au sein de la troupe. Car la petite Kunti est hantée par l’Outre-songe… Qui est son protecteur, le mystérieux berger que l’enfant nomme « Jaunes yeux » – tantôt allié, tantôt péril mortel ? Le secret de sa nature se trouve peut-être dans les souvenirs de la fillette et de sa mère…

Pourquoi ce livre ? Si vous ne connaissez pas encore mon amour pour cet auteur, sa voix et ses histoires, c'est que vous êtes tout nouveau dans le coin (et dans ce cas-là, bienvenue).
Depuis ma découverte de Manesh, je me régale du récit au présent de Fintan, des histoires rapportées par Le Bâtard de Marmach puis de La Courtisane du Nord. J'ai pourtant mis énormément de temps à me plonger dans ce quatrième opus. Déjà parce que je le lis en version poche (la concordance des formats, toc du lecteur ?) et qu'il fallait patienter plus de deux ans avant sa parution, ensuite parce que je savais qu'une longue attente suivrait cette lecture avant de tenir le cinquième volume dans les mains.
Trop d'attente tue le souvenir, c'est bien connu. Ça me crève le cœur de le reconnaître, mais ma mémoire de lectrice m'a joué des tours et si je me souvenais parfaitement des personnages, le récit au présent comme au passé m'a paru flou pour les cent premières pages. Que s'était-il déroulé pour que Nisu en arrive là, au chevet de cette vieille à mobilité réduite ? Que fuyait notre groupe hétéroclite ? Qu'ont-ils combattu ? Ça a été très compliqué de se remettre dans le bain, et ça s'est ressenti dans mon rythme de lecture, allant jusqu'à picorer timidement ce début sur plusieurs semaines.
Et puis j'ai repris mes esprits en même temps que mes aises ! Décidée à me laisser porter par la verve du poète, j'ai lâché toute la frustration pour savourer le moindre mot, le moindre moment. Et là, j'ai avalé le roman en trois jours.
Côté présent, c'est un peu plus calme. Fuyant les géants, les liens qui s'étaient formés au fil des quarante jours traversés ensemble se meuvent souvent, se distordent parfois, et c'est là toute la richesse et la complexité du récit. Le rythme au présent est certes doux en ce début de tome mais gagne en intensité au fil de leurs aventures et de leur progression sur ce fameux sentier céleste. J'ai adoré leur péripétie avec les créatures qui les prennent en chasse et je me délecte d'avance de découvrir le fin mot de leur cheminement.
L'aventure au passé est toujours aussi intéressante, permettant de comprendre la personnalité et les décisions de Shakti, cette mère protectrice et puissante courtisane. Si elle est toujours au cœur de son récit, c'est néanmoins la petite Kunti qui en est la pièce centrale. Quelle difficulté de lire toutes les épreuves qu'elle a traversées, toute la manipulation qui tourne autour de son histoire… Meijo pousse toujours plus loin la diablerie et j'ai été dégoûtée à plusieurs reprises par son comportement, son emprise sur les femmes de sa vie - et pas que. C'est une histoire longue, dure, parsemée d'odeurs de fleurs pourries et de semences noires. On s'en délecte autant qu'on s'en écœure.
J'ai également bien aimé entendre la voix de ce chevalier, qui combat l'ennemi. Cela permet d'avoir un regard sur les combats qui se déroulent en parallèle de la quête du capitaine Rana, ce qui n'est pas intéressant pour savoir où on en est.
La mythologie est toujours au cœur du récit, avec des petites références ici et là et des passages impressionnants par leur solennité. Stefan Platteau retranscrit parfaitement les différentes ambiances, comme à l'arbre de l'Oracle (son appellation précise m'échappe).
Les personnages sont toujours aussi attirants, par cette palette de nuances dont ils sont tous composés. Même Dipran, le pauvre Dipran, subit un arc fascinant dans la déchirure du groupe et la quête de sa place dans une société qui se veut valeureuse. Ma préférence va toujours pour Fintan et Shakti, parce que leur récit est une fenêtre sur leur âme et qu'on commence à les connaître intimement. Mais j'adore la bonté singulière de Varagwynn et l'énergie de Manesh.
Malgré le flottement en début d'intrigue, c'est un tel bonheur de se plonger dans la plume de Stefan Platteau ! C'est un délice de langage, avec un lexique relevé et des phrases qui roulent sur la langue. L'auteur a affirmé lors d'une dédicace qu'il relisait son texte à voix haute pour tester ses sonorités et cela se ressent lors de la lecture, qui est d'une fluidité, d'une douceur et d'une poésie exemplaires.

Une semaine que j'ai terminé cette lecture et malgré la noirceur qui plane sur eux et la difficulté qui couve cette mission… ils me manquent tous déjà. Cette plume offre constamment ce parfait équilibre entre sa douceur et la violence de l'histoire. Les personnages sont nuancés à juste titre, tantôt puissants, tantôt à terre, dans cette juste représentation de la vie. Et toujours ces deux voix pour raconter des récits peu glorieux. Vivement le cinquième tome. J'ai peur d'arriver au bout maintenant.

19/20
Les autres titres de la saga :
1. Manesh
2. Shakti
3. Meijo
4. Jaunes Yeux
- saga en cours -