La Maison des Jeux, tome 1 - Le Serpent

Par Mana_


VENISE, 1610. Au coeur de la Sérénissime, cité-monde la plus peuplée d'Europe, puissance honnie par le pape Paul V, il est un établissement mystérieux connu sous le nom de Maison des Jeux. Palais accueillant des joueurs de tous horizons, il se divise en deux cercles, Basse et Haute Loge. Dans le premier, les fortunes se font et se défont autour de tables de jeux divers et parfois improbables. Rarement, très rarement, certains joueurs aux talents hors normes sont invités à franchir les portes dorées de la Haute Loge. Les enjeux de ce lieu secret sont tout autre : pouvoir et politique à l'échelle des Etats, souvenirs, dons et capacités, années de vie... Tout le monde n'est pas digne de concourir dans la Haute Loge. Mais pour Thene, jeune femme bafouée par un mari aigri et falot ayant englouti sa fortune, il n'y a aucune alternative. D'autant que l'horizon qui s'offre à elle ne connaît pas de limite. Pour peu qu'elle gagne. Et qu'elle n'oublie pas que plus élevés sont les enjeux, plus dangereuses sont les règles...

Pourquoi ce livre ? Cela fait un moment que je louche sur cette saga. Déjà parce que j'adore la collection Une heure lumière, qui fait vivre des textes difficilement classables. Ensuite parce que mon libraire préféré m'en a parlé en bien. C'était donc évident que je lirai un jour ce premier opus.
Et ce n'est pas passé loin du coup de cœur, en raison d'un petit défaut. Le Serpent est un roman qui ne paye pourtant pas de mine. Par le biais du jeu de hasard, la jeune femme qui fait figure d'anti-héros découvre une société secrète et ancestrale qui va l'entraîner à jouer aux échecs à taille humaine avec des pions différents.
Et c'est là qu'entre en scène le défaut. Pour un roman si court, l'intrigue rassemble bon nombre de personnages aux horizons divers et variés, et c'est parfois difficile de comprendre leurs échanges avec Thène, la jeune femme, ou simplement leur rôle dans l'affaire. C'est une intrigue de manipulation, de jeu de dupes, ce qui implique des non-dits, etc. De là à pousser le bouchon au point où on ne comprend pas la présence de quelques-uns et le dialogue entre certains, c'est plongé la lecture dans une atmosphère nébuleuse dont je me serai bien passée. Car sans ce point noir, qui revient deux ou trois fois sur les cent cinquante pages, ça aurait été un coup de coeur.
Moi qui apprends doucement mais sûrement les échecs, j'ai été ravie par cette intrigue qui prend place dans un décor vénitien, avec une ambiance très politisée, très conflictuelle. J'ai adoré ces moments où l'autrice insiste sur le jeu dans les ténèbres des ruelles, avec la présence ou non d'un ennemi ou d'un espion. On sent qu'on est dans la guerre de pouvoir et l'autrice n'en fait pas tout un étalage. Quelques moments de tensions extrêmes suffisent à planter le décor.
Sans être un défaut, je ne me suis pas du tout attachée aux personnages, qui font montre de bien peu d'émotions. Dans le cas de Thène, elle n'a eu ni une enfance agréable ni un mariage heureux donc je conçois sa froideur neutre. Dans le cas d'autres personnages, c'est une nécessité pour leur survie de rester secrets, discrets. Petite pensée pour Argent qui rentre dans les personnages que j'adore grâce à l'aura de mystère et de malice dont ils s'entourent. Étant donné que ce choix narratif reste cohérent avec l'intrigue, je ne peux que l'accepter et trouver ça judicieux. Cependant je ne vous cache pas que sur un roman plus long, ça aurait été difficilement supportable.
Le style est lui aussi très clinique, avec une sorte de détachement entre le narrateur et les personnages. Un détachement d'autant plus marquant que le point de vue est parfois à la deuxième personne du pluriel - il semblerait que ce soit la grande mode en ce moment. Là encore, cela rend parfaitement bien avec le poids de l'intrigue, c'est magistralement orchestré, mais j'ai peur que sur un roman plus épais cela ne serait pas passé.

Une intrigue qui s'adapte aux besoins du format novella pour gagner en puissance et donner plus d'impact à son contenu. Un jeu de hasard et de manipulation dans les rues d'une Venise de la Renaissance, avec des personnages variés et une écriture ciselée, c'est qui nous est proposé ici avec ce premier tome. J'ai adoré la fin. J'ai maintenant hâte de lire la suite car je sens que la Maison des Jeux nous laisse encore quelques belles surprises !

18/20
Les autres titres de la saga :
1. Le Serpent
2. Le Voleur
3. Le Maître
- saga terminée -