En deux mots
Une colocation dans un appartement parisien rassemble Souleymane, un ostéopathe qui s’intéresse à la cause amicale tout en étant très casanier, Warda, une journaliste, grand reporter au Monde et spécialiste des pays arabe et Houmam, écrivain à la recherche d’un premier vrai succès. C’est à lui de raconter la vie de ce trio improbable.
Ma note
★★★ (bien aimé)
Ma chronique
Un trio d’amour et d’amitié
Dans son nouveau roman, Jadd Hilal rassemble un ostéopathe, une journaliste et un écrivain qui peine à publier dans un appartement parisien. Ces colocataires vont tenter de se trouver un avenir entre recherche identitaire, amours contrariées et histoire familiale troublée. Une quête intranquille.
Warda, Souleymane et Houmam, le narrateur, vivent en colocation dans un appartement parisien. Souleymane est ostéopathe, mais il s’intéresse de très près à la cause animale. Au moment où s’ouvre le récit, il effectue des recherches sur les mauvais traitements causés aux chameaux, notamment ceux qui sont entraînés pour les courses dans les pays arabes. Warda, quant à elle, est grand reporter. Elle revient d’Irak où elle a effectué une série de reportages, notamment pour Le Monde. Finalement, le moins bien loti est Houmam. Après avoir publié un premier roman qui ne s’est guère vendu, il a vu son éditrice refuser tous ses manuscrits. Et si la dure réalité, à savoir la quasi-impossibilité de vivre de sa plume pour l’écrasante majorité des écrivains en France, il ne se voit pas faire autre chose. Alors, il écrit leur histoire, celle du «trio d’amour et d’amitié» qui pourtant ne va pas fort, Warda ayant choisi de congédier Houmam qui se refuse à elle. Voilà sa «rose des sables qu’il aime à en crever la bouche ouverte» prendre de la distance.
Le malaise qui s’installe tient aussi à l’histoire familiale, à ce sentiment de culpabilité qui habite Houmam qui a choisi de ne pas suivre les siens en Palestine. Alors chaque fois qu’on s’en prend aux arabes, il se révolte, s’imagine que ce sujet est tabou car il ne fait que renforcer les préjugés, souligner leur sauvagerie.
Une position qui va très vite l’opposer à ses colocataires et en particulier à sa rose des sables partie en quête de vérité sur le rôle joué par un ancêtre au passé trouble.
Jadd Hilal raconte avec beaucoup de justesse cette relation d’amour-haine, faite d’élans amoureux suivie de rejets tout aussi intenses. Cette version actuelle de Jules et Jim, d’une femme entre deux hommes, montre aussi combien il est difficile d’aimer tant que l’on n’a pas résolu sa propre quête d’identité. Un mal-être que le sexe et l’humour ne peuvent que dissimuler quelques instants.
Si la femme libre qu’est Warda nous rapproche des personnages de Des ailes au loin, le premier roman de l’auteur, on retrouve aussi dans les questions existentielles de Houmam les problématiques de l’exil qui sont aussi au centre de son second roman Une baignoire dans le désert où on voit le jeune Adel fuir dans le désert suite au divorce de ses parents. Avec moins de candeur, Houmam pourrait être un Adel qui a pris de la bouteille.
Le caprice de vivre
Jadd Hilal
Éditions Elyzad
Roman
224 p., 21,50 €
EAN 9782494463059
Paru le 22/08/2023
Où?
Le roman est situé principalement à Paris.
Quand?
L’action se déroule de nos jours.
Ce qu’en dit l’éditeur
Dans un appartement parisien, Houmam vit en colocation avec deux amis trentenaires depuis ses études. Il y a la flamboyante Warda, devenue journaliste pour crier la vérité au monde ; Souleymane, ostéopathe plus préoccupé par la cause animale que par l’Homme ; et Houmam, écrivain raté qui cherche sa place entre parisianisme et identité arabe, transi d’amour pour Warda, totalement paralysé lors des avances très sexy de celle-ci.
L’équilibre du trio se délite lorsque Warda décide de mener une enquête sur le massacre de Juifs en Irak au début des années 40, les deux garçons ne la soutenant pas. Peu à peu, alors que Souleymane s’éloigne de l’appartement, la relation entre la jeune femme éruptive et l’auteur tourne à la confrontation. Un duel mené tambour battant avec une grande dose d’humour.
Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Blog Un dernier livre avant la fin du monde
Blog Sur la route de Jostein
Jadd Hilal présente «Le caprice de vivre» sur #moe © Production TV5 Monde
Les premières pages du livre
« La Rose des sables
Cette histoire commence avec la découverte que fit Warda Shahid. Je me souviens du jour, de l’heure, de l’instant où tout débuta. Où nous prîmes chacun ce chemin sans retour. C’était en 2017, un soir de juillet. Je quittais les locaux de Champenel à Paris, où je venais de discuter avec mon éditeur Tristan Phoriche de mon dernier manuscrit Hors-sol, et m’engageais rue Clovis. J’étais comme après chaque refus malheureux comme les pierres.
Demeurait toujours, à trente-quatre ans, cette maudite sensation que l’écriture me faisait perdre mon temps. Plus nombreux étaient les mois que je consacrais à tel ou tel texte, plus pénible était l’amertume devant le «non». Même lorsque c’était «oui» d’ailleurs, le bonheur restait en demi-teinte. J’avais publié quelques années plus tôt mon premier roman, Jamais la nuit, qui eut un succès pour le moins discret. C’était une histoire compliquée, démonstrative, qui s’était vendue à une centaine d’exemplaires. J’avais été invité à la RCF, où un journaliste me demanda si j’avais écrit «un livre arabe ou un livre sur les Arabes» et cela fut le coup de grâce, s’il en fallait, à mes velléités littéraires.
Je me repris, curieusement, à rêver de la vie d’écrivain. C’était idiot, et on ne manqua pas de me le répéter. On me disait «tu es fou», on me disait «tu es irresponsable», on me disait «cinq pour cent! Cinq pour cent des auteurs vivent de leur plume, Houmam Basara! Et toi? Petit étranger né d’ailleurs tu crois en faire partie?» Que répondre? Comment signifier que ce n’était pas un choix? Que je ne souhaitais pas un nouveau travail, une maison à la campagne? Que je voulais seulement faire ce vers quoi tout m’arrachait aussitôt que je ne le faisais pas? Chaque film vu, chaque musique entendue, chaque livre lu. Comment dire que j’étais configuré à présent, comme un chien courant après une balle? Que c’était en somme écrire ou mourir? «Ne savez-vous pas qu’il y a le mot “vain” dans “écrivain”? Croyez-vous que je me fasse des illusions? Croyez-vous que je puisse faire autrement? Ne voyez-vous pas qu’il y a aussi le mot “cri”? Que le cri, on ne le retient pas?» C’est ce que j’aurais dû rétorquer. Mais je le dis, je suis de ceux qui échouent dans la vie. Qui s’en consolent par les mots.
Pendant que je bifurquais, désenchanté, dans la rue Descartes, je reçus un appel de Warda, Warda la «rose des sables» comme je la surnommai un jour en discutant avec Souleymane, le troisième et dernier membre de notre colocation de la rue Monge.
— Ya Allah, mais combien de fois il faut que je t’appelle pour que tu décroches, Houmam?
C’était un ton auquel elle m’avait habitué. Elle téléphonait à toute heure, en tout lieu et s’indignait quand nous ne lui répondions pas. Ce jour-là, notre conversation dura peu. J’eus seulement le temps de comprendre que son avion depuis Bagdad venait d’atterrir à Charles-de-Gaulle et que Souleymane et moi avions «intérêt à être là», que nous n’allions «pas en revenir». Je ne mesurais pas, ce soir de juillet, à quel point cela serait juste, à quel point nous ne reviendrions en effet jamais, à ce que nous étions. À quel point les trois bateaux de nos vies prendraient le cap vers une terre nouvelle, d’où ils ne feraient marche arrière.
Ce fut pour cela que je ne pris pas l’appel de la rose des sables au sérieux. Je l’oubliai dès que nous raccrochâmes. J’avais l’habitude de ses effets d’annonce. «Tu n’en croiras pas tes yeux», «tu ne verras jamais rien de pareil», tout était toujours «important», «capital», «essentiel». Ce soir-là, ce n’était rien d’autre que le néon bleu d’un strip club, sobrement nommé Le Divan, qui jeta mon devoir de présence aux oubliettes.
La fameuse circonstance baudelairienne. J’y croyais dur comme fer. Je quêtais, depuis des mois, chaque occasion qui me poussait à prendre telle rue, tel métro. Pourquoi? Pour y trouver de l’inspiration pour écrire, un peu ; pour combler l’ennui, beaucoup. Cette fois-ci, le lapin blanc fut justement un livre de Baudelaire, les Tableaux parisiens, que tenait un homme s’engageant dans le club. Je le suivis et descendis des marches éclairées de rose. La moquette rouge au sol atténuait le bruit de nos pas et le tumulte de la rue extérieure se tut, pendant que nous processions l’un derrière l’autre. Arrivé en bas, je me réfugiai immédiatement sur un tabouret du côté du bar, d’où je fixai mes chaussettes. Quelle idée. Moi Houmam, dans un club de strip-tease? Moi, dont le cœur et les couilles sont prises par celle à qui je ne pus jamais rien dire d’autre que mon silence?
— Je vous sers quelque chose ?
Je levai la tête. Pas assez. Mon regard s’accrocha au haut Pink Floyd que remplissait la généreuse poitrine de la barmaid, et n’y échappa plus. Elle dut réitérer sa question pour que je la regarde dans les yeux, qu’elle avait noirs et fardés. Je ne répondis pas. Sans doute comprit-elle que j’étais sur le point de partir, de regagner le monde de là-haut, le monde extérieur. Ce monde de la pilule bleue, ce monde qui donne les moyens aux froussards comme moi de survivre paresseusement.
— Sers-lui un scotch sur ma note, ya Noura. La voix provenait de l’homme sur le tabouret à côté de moi. De son apparence, je me souviens seulement d’une tête large, aux cheveux courts et à la barbe drue. Le reste disparut, se volatilisa comme la vapeur des scotchs, nombreux, qui se succédèrent.
— Quand es-tu rentré d’Irak, Chaouki ?
Ladite Noura s’était adressée à lui en arabe, à quoi il rétorqua en français :
— Ce matin. Je ne veux pas en parler.
— Pourquoi ?
— Tu travailles.
Noura soupira, pendant qu’elle essuyait un verre avec son torchon à carreaux. Elle balaya l’air de la main pour toute réponse. Ragaillardi par l’alcool, je suivis son geste des yeux. La salle était vide, à l’exception de deux types assis, de dos, sur des chaises en plastique. Je ne voyais d’eux que leur calvitie, qui les faisait ressembler à deux choupissons. Sur l’estrade en face, une rousse marchait de gauche à droite, baladant des seins opalins, entre lesquels un collier s’engouffrait.
— Tu ne veux pas en discuter ?
— Noura, fous-moi la paix. Il vaut mieux oublier parfois, que de subir le passé comme tu le fais. »
Extrait
« Warda, Souleymane et moi prenions. Il me fallait trouver Rome. Notre Rome, à tous les trois.
Je me mis à écrire. Je me mis à cette histoire que je raconte ici. Celle de notre trio d’amour et d’amitié, qui se séparait petit à petit et que je décidai de réunir tant bien que mal par mes mots. C’était surtout l’éloignement de Warda que j’essayais de conjurer, l’éloignement de ma rose des sables que j’aimais à en crever la bouche ouverte et pour laquelle je craignais de devenir un étranger. Je ne pouvais en vouloir qu’à moi-même. J’avais été un odieux paternaliste, pas vrai, à la juger, elle et ses recherches. Aussi paternaliste que tous ces types qui avaient passé leur temps à lui donner des leçons. Au cours de notre première année à Louis-le-Grand, il y eut déjà ce Brice qu’elle fréquenta et qui consacra des heures entières au Troquet des cœurs à ergoter sur l’importance de l’amour, du couple, de l’horizon à deux pour s’envoyer en l’air. Warda en vint un soir à lui hurler qu’elle ne désirait rien de plus que sa «bite», et l’homélie reprit de plus belle. Sa «bite», ne le saisissait-elle pas, n’était que «l’aboutissement». » p. 86-87.
À propos de l’auteur
Jadd Hilal est né en 1987 dans les environs de Genève. Il a suivi des études de lettres et de littérature anglophone en France, puis a vécu en Ecosse et en Suisse. Il réside aujourd’hui en périphérie de Paris, où il est professeur de lettres et de philosophie. Finaliste du Prix de la littérature arabe de l’Institut du Monde arabe et de la Fondation Jean-Luc Lagardère, finaliste du Prix Senghor du premier roman, il est lauréat en 2018 du Festival du Premier Roman de Chambéry, du Grand Prix du Roman Métis, du Prix Métis des Lycéens et du Prix de la Première Œuvre Littéraire Francophone pour son premier roman Des ailes au loin.
Une baignoire dans le désert, son deuxième roman, a remporté le Prix des lycéens et apprentis d’Île-de-France en 2022. Le caprice de vivre est son troisième roman. (Source: IMA)
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