Une BD libre de droits sort chez Glénat

Article coup de gueule.

La BD Pepper et Carrot sort chez Glénat. Le problème n’est bien évidemment pas que cette BD paraisse en album ou que Glénat ajoute un titre supplémentaire à son catalogue mais la démarche.

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A l’origine, Pepper et Carrot est un webcomic de David Revoy publié sur Internet en total libre accès. L’auteur va même plus loin puisqu’il n’offre pas seulement la possibilité de lire la BD gratuitement mais il laisse la possibilité de l’exploiter à tout internaute, même à usage commercial. Il met carrément à disposition de la matière (croquis, planches, scénarios,…) en téléchargement gratuit. La démarche est très intéressante et permet une diffusion de cet univers sur de multiples supports, offrant une vitrine considérable à l’auteur.
Ainsi, la MJC de Trifouillis-les-Oies peut tout à fait pomper un dessin pour illustrer le spectacle de fin d’année de l’atelier percussions des 5-6 ans tout comme vous pouvez prendre un dessin pour vous faire un slip customisé.
Mais avec tout ça, comment l’auteur fait-il pour manger ou payer son logement ? L’affiche de la MJC de Trifouillis-les-Oies ne sert pas à s’acheter du pain et même en sortant le slip customisé, une banque n’accordera pas le moindre prêt… Et bien grâce au financement participatif ! La diffusion massive et la qualité du travail fourni permet de se créer une petite communauté qui soutient l’auteur financièrement et lui permet de se sortir un vrai salaire (dans les 2000€ environ).
Et, désormais, la BD se décline enfin en vrai album papier, en plus chez un des plus gros éditeurs du marché.
C’est très bien tout ça… Vous allez me dire : « Il est où le problème ? Le système fonctionne, l’auteur s’en sort, tout va bien. En plus, on peut même acheter le bouquin ! »

On arrive donc à la partie coup de gueule.

Avec une BD libre de droit, l’éditeur n’a aucune obligation à verser le moindre centime à l’auteur. Par chance pour ce dernier, Glénat verse une petite somme : 350€ par épisode mensuel… Et… C’est tout.

L’éditeur peut à tout moment interrompre ce versement, tout comme les lecteurs qui financent ce projet. Du jour au lendemain, l’auteur peut être privé de ressources et même si le « salaire » paraît correct, il ne faut pas oublier que l’auteur n’a pas de congés payés, pas d’arrêts maladie, pas de chômage,… Et il faut également penser que ce « salaire » est le fruit d’un loooooong travail en amont, souvent bénévole ou payé des clopinettes.
Vous imaginez commencer un boulot et qu’on vous dise : « Les cinq premiers mois, on ne vous paye pas. Ensuite, les cinq suivants, on vous versera un SMIC. Et puis si on aime bien votre façon de bosser, on vous augmentera. Par contre, quand on en aura marre, on coupera votre salaire mais vous pourrez toujours bosser pour nous. » Même la loi Travail ne l’a pas osé !

On ne va jeter la pierre sur personne.
L’auteur David Revoy a une démarche et une ligne de conduite qui fonctionne pour lui et qui a l’air de lui convenir.
L’éditeur Glénat est avant tout une entreprise et une entreprise est là pour faire du bénéfice et non du social (on se croirait dans un discours d’un ténor de la Droite). Que Glénat investisse (un peu) sur un projet BD en réduisant au maximum les coûts et en ne prenant pas le moindre risque car ce projet a déjà une communauté acquise, la démarche se tient aussi. Oui, l’album sera moins cher à l’achat qu’un album du même type qui aurait suivi le circuit classique…

MAIS…

La boîte de Pandore est ouverte (elle a déjà été bien crochetée par le passé).

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On se retrouve avec un système qui, pire que le système actuel, fait que le travail GRATUIT d’un auteur permettra à plusieurs intermédiaires de se faire une petite gratte… Editeur, libraire, diffuseur, et même l’Etat !

On se retrouve avec un système où le fan va payer deux fois : la première fois en soutenant financièrement l’auteur sur sa plate-forme, la seconde en achetant l’album.

Et on se retrouve avec un système qui, pour une première, marche bien : l’auteur se sort un salaire, l’éditeur fait du bénéfice, tout le monde est content… Et quand ça marche bien, ça se refait… Mais pas forcément avec la même réussite. La paupérisation des auteurs de BD est malheureusement une réalité et quand ce système se plantera, ils seront les premiers à se le prendre en pleine face, en commençant par les plus précaires qui auront voulu imiter cette démarche.
N’oublions pas non plus l’impact psychologique d’une telle démarche : cela inscrit dans la durée le fait que l’auteur, déjà la cinquième roue du carrosse du marché de la BD, est celui qui peut bosser gratuitement et que les bénéfices sont réservés aux intermédiaires. Après tout, auteur de BD n’est pas un vrai métier…

Alors quitte à expérimenter de nouvelles pratiques, pourquoi ne pas sortir de ce clivage, d’un côté l’artiste, qui peut vivre d’amour et d’eau fraîche, de l’autre, le businessman qui est là pour faire du profit ?
Le système a besoin de changement. Mais qu’il aille dans le bon sens !!!

Anthony Roux

© Toutes les images sont la propriété de… Euh… en fait, on ne sait plus… libres de droits et l’auteur laisse tout le monde en faire ce qu’il en veut.