Délivrez-nous du bien - Joan Samson

Délivrez-nous bien Joan SamsonPerly le sauveur ! Lorsque ce commissaire-priseur débarque à Harlow, bled paumé du New Hampshire, la population considère son arrivée comme un don du ciel. Le projet du bonhomme est simple, il souhaite demander aux fermiers du coin de se débarrasser de leurs vieilleries pour les vendre aux enchères. En contrepartie il s’engage à ce que le bénéfice des opérations serve à doter la police locale de nouveaux équipements et de nouveaux adjoints. 

Les époux Moore commencent par jouer le jeu avec un certain enthousiasme, trop heureux de vider leur grange et leur grenier poussiéreux pour récupérer quelques billets. Mais une fois leur stock d’encombrants épuisé, le bon samaritain continue à les solliciter. Charismatique, il leur explique qu’une réponse négative de leur part n’est pas envisageable. D’abord poliment, puis en laissant planer des menaces de moins en moins insidieuses. Comprenant qu’ils risquent de perdre jusqu’à leur dernier meuble, voire bien davantage, les Moore n’ont plus que deux solutions : quitter les terres ancestrales de leur famille ou commettre l’irréparable.

Écrit en 1975 par une autrice qui succombera d’un cancer fulgurant à l’âge de 38 ans quelques mois après sa publication, ce roman noir jusqu’alors inédit en France est considéré par Stephen King comme un chef d’œuvre de l’épouvante. Rien d’horrifique à proprement parler mais la terreur se veut ici psychologique. Et le mal se cache autant dans le capitalisme sauvage que dans la soumission des gens de peu face aux puissants.

Perly le désintéressé se révèle au final un démon incarné. Un homme mystérieux, charmeur, inspirant une fascinante répulsion. Un homme auquel il est impossible de dire non, qui déclarera pour se dédouaner après avoir répandu la souffrance et le chaos autour de lui : « Tous ce que j’ai fait, vous m’avez laissé le faire. »

Incontestablement un grand roman américain, suffocant huis-clos en pleine nature qui parle de la perte d’identité, de la dépossession et de la résignation des plus faibles face à la loi du plus fort. Du moins jusqu’à un certain point.

Délivrez-nous du bien de Joan Samson (traduit de l’anglais par Laurent Vannini). Monsieur Toussaint Louverture, 2024. 295 pages. 16,50 euros.



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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois